Vingt ans après, l'Espagne et l'Europe rendent hommage aux victimes des attentats islamistes du "11-M"
L'Espagne et l'Union européenne rendent un hommage solennel lundi aux 192 victimes de 17 nationalités assassinées il y a 20 ans jour pour jour à Madrid dans des attentats qui marquèrent le début des attaques islamistes de masse en Europe.
Ces attentats à la bombe revendiqués par Al-Qaïda, l'organisation jihadiste dirigée par Oussama ben Laden, sont les plus meurtriers jamais survenus en Europe, si l'on excepte l'explosion en 1988 au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, du vol 103 de la Pan Am, qui fit au total 270 morts.
Présidée par le roi Felipe VI et la reine Letizia, la cérémonie officielle doit débuter à 12H15 (11H15 GMT) à la Galerie des Collections royales, un musée situé près du Palais royal à Madrid.
Elle est organisée par la Commission européenne, le 11 mars étant devenu la "Journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme".
Mais de nombreux autres hommages sont prévus tout au long de la journée. Le premier s'est déroulé à 09H00 locales sur la célèbre "Puerta del Sol", avec la participation du maire de Madrid et de la présidente de la région, qui ont déposé une gerbe.
Sur les lieux où les bombes explosèrent il y a vingt ans, des parents de victimes, mais aussi des habitants de Madrid ont déposé des bouquets de fleurs, des bougies ou des portraits de personnes qui perdirent la vie.
A la gare d'Atocha, épicentre des attentats, des passants se recueillaient devant un mémorial souterrain de couleur bleu cobalt inauguré la veille au soir et qui remplace un précédent monument, démonté en raison de travaux d'extension d'une ligne de métro.
Ce jeudi 11 mars 2004, peu après 07H30, à l'heure de pointe, dix engins explosent en l'espace de quelques minutes à bord de quatre trains de banlieue dans la gare d'Atocha, située au coeur de Madrid, ou à proximité.
- "Cassure" -
Confrontée depuis plusieurs décennies à une campagne sanglante du groupe séparatiste basque ETA, l'Espagne a la triste habitude des attentats à la bombe, mais n'a jamais été visée par une attaque de cette ampleur.
Les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis, qui firent près de 3.000 morts, ont eu lieu deux ans et demi plus tôt, mais l'Europe ne pense pas encore automatiquement à Al-Qaïda.
"Ce 11 mars 2004, il y a 20 ans jour pour jour, le terrorisme islamiste a frappé l’Europe massivement pour la première fois", a déclaré à Arras (nord de la France) le Premier ministre français Gabriel Attal.
"Cette date, elle reste comme une cassure pour notre continent. Nous avons compris que, nous aussi, nous étions des cibles. Nous l’avons compris durement, si durement", a-t-il ajouté lors d'une cérémonie d'hommage aux victimes du terrorisme.
Les attentats de la gare d'Atocha, appelés en Espagne "le 11-M", se déroulent dans un contexte politique très chargé, puisque le pays est dans la dernière ligne droite d'une campagne électorale, des législatives devant avoir lieu trois jours plus tard.
Le Parti populaire (droite) du Premier ministre sortant José María Aznar est donné favori face au Parti socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero.
Un an plus tôt, Madrid a décidé de se ranger aux côtés des Etats-Unis et de participer à l'invasion de l'Irak de Saddam Hussein, malgré l'opposition de l'opinion publique espagnole.
- Trois condamnés encore emprisonnés -
Le gouvernement désigne immédiatement l'ETA comme responsable du massacre d'Atocha et n'en démordra jamais, malgré l'accumulation des indices en sens contraire.
Surtout, al-Qaïda revendique les attentats, les présentant comme des représailles à la participation de l'Espagne à la guerre en Irak.
Le dimanche 14, les Espagnols votent massivement et donnent la victoire aux socialistes. Pour les analystes, la gestion calamiteuse des attentats par le gouvernement Aznar a joué un rôle clé dans ce résultat surprise. Aujourd'hui encore, certains y voient un des premiers exemples de désinformation, terme qui n'était pas employé à l'époque.
Après trois ans d'instruction, 29 accusés, en grande majorité des Marocains, sont jugés en 2007 à Madrid. En appel, 18 sont condamnés.
Aujourd'hui, seuls trois d'entre eux - deux Marocains, condamnés à des peines de près de 43.000 années de prison, et un Espagnol condamné à une peine de près de 35.000 ans - sont encore derrière les barreaux, où ils resteront a priori jusqu'en 2044.
A.Swartekop--HHA