Fin de vie: Macron a arbitré, la bataille autour du projet de loi est lancée
"Possible loi de liberté ultime" ou "diversion" voire "tromperie"? Le projet de loi sur la fin de vie esquissé par Emmanuel Macron a été salué lundi par les partisans d'une "aide active à mourir" mais a indigné certains soignants, l'Eglise, la droite et l'extrême droite.
Après un long cheminement, le président de la République a livré dimanche, dans La Croix et Libération, ses arbitrages pour un "modèle français de la fin de vie": une "aide à mourir" qui permettra à certains patients, selon des "conditions strictes", de recevoir une "substance létale".
Le texte, qui traduira une promesse de campagne, inclura aussi des mesures pour renforcer les soins palliatifs, insuffisants de l'avis général.
Le projet de loi sera examiné à partir du 27 mai à l'Assemblée nationale et sera le texte phare du calendrier parlementaire des prochains mois, dévoilé lundi deux mois après la nomination de Gabriel Attal à Matignon.
Le défi est "de trouver le moment car c'est un sujet qui va diviser", confiait en privé un ministre il y a quelques mois. Comme attendu, les clivages ont été ravivés dès dimanche soir.
Le "soulagement" dominait parmi les défenseurs d'une évolution de la loi Claeys-Leonetti, comme l'a exprimé lundi le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jonathan Denis.
S'il a salué "une avancée", il s'est aussi inquiété d'une "inapplicabilité" vu les multiples critères pour l'aide active à mourir. "J’appelle les parlementaires à l'amender" pour éviter de "faire voter une loi qui condamnerait encore des Français à partir en Suisse ou en Belgique", a-t-il ajouté.
A l'inverse, des soignants, l'Eglise catholique ou des voix de droite et d'extrême droite ont vivement protesté.
Exprimant "consternation, colère et tristesse", des associations de soignants, notamment l'influente Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), ont jugé qu'"avec une grande violence, le chef de l'État annonce un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants, avec en perspective de graves conséquences sur la relation de soin".
"Appeler +loi de fraternité+ un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie est une tromperie", a estimé le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, convaincu que cela "infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution".
- "Liberté de vote" -
Droite et extrême droite sont aussi montées au créneau.
A l'approche des européennes, "personne n'est dupe du moment", a lancé la tête de liste de LR au scrutin, François-Xavier Bellamy. Emmanuel Macron "a décidé de se réfugier dans les questions de société", a-t-il lancé, sans se prononcer sur le débat "infiniment complexe" de la fin de vie.
Même angle d'attaque du RN. Son porte-parole Laurent Jacobelli, a jugé que "le président de la République fait un peu diversion en proposant des débats sociétaux" alors que "les préoccupations des Français, c'est le pouvoir d'achat, la sécurité et l'immigration", où "le président et le gouvernement ont failli".
Le chemin reste long avant une loi, probablement pas avant 2025.
Le projet de loi doit être transmis d'ici 10 jours au conseil d'État. Après son passage à l'Assemblée, il devrait arriver au Sénat "après l'été", a précisé la ministre des Relations avec le Parlement, Marie Lebec. Et il n'y aura pas de procédure accélérée, donc au moins deux lectures dans chaque chambre.
Face aux résistances attendues, le Premier ministre a appelé lundi les parlementaires à "un débat apaisé, éclairé, respectueux des positions de chacun", relevant que cette évolution de la loi est "attendue de longue date" et constitue "un progrès".
Comme c'est généralement l'usage sur les sujets sociétaux, les groupes parlementaires ne donneront pas de consigne de vote. C'est un "sujet intime" qui "transcende les mouvements politiques", selon le chef de file des députés Renaissance, Sylvain Maillard, précisant qu'"il y aura une liberté de vote" dans son groupe.
Les centristes au Sénat voteront aussi "en âme et conscience", selon leur chef, Hervé Marseille. Si la voie est étroite, cette réforme "peut passer" même à la chambre haute, a-t-il pronostiqué, car "ça correspond à ce que beaucoup de groupes de gauche souhaitaient et les autres groupes sont partagés".
"A l’Assemblée nationale, il y aura une courte majorité pour le voter", anticipait avant Noël un membre du gouvernement.
H.Beehncken--HHA