Visite de médias strictement surveillée à la frontière polono-bélarusse
Serrés à l'arrière d'une jeep militaire cahotant sur des sentiers battus et gelés à la frontière polono-bélarusse, quelques journalistes rentrent dans la zone interdite aux non riverains depuis l'afflux de migrants en été, une visite sous stricte surveillance des autorités.
A la frontière, tous les cent mètres environ, un soldat, en tenue de combat, mitraillette dans le dos, patrouille son périmètre le long des barbelés qui s'étendent sur des kilomètres de la frontière enneigée.
Un petit abri rudimentaire construit et recouvert partiellement de bâches et de planches de bois leur permet de se réchauffer par ce temps glacial.
"Les migrants essayent toujours de traverser la frontière, par groupes de dix, vingt, alors que l'année dernière c'étaient des groupes de plusieurs centaines de personnes", explique la capitaine Krystyna Jakimik-Jarosz, porte-parole locale des garde-frontières.
"Nous voulons montrer à quoi ressemble la situation à la frontière", ajoute-t-elle pour expliquer le but de cette visite guidée.
Quelques kilomètres plus loin, une voiture munie de haut-parleurs diffuse, en plusieurs langues, un message adressé aux migrants, les encourageant à rebrousser le chemin vers le Bélarus.
La Pologne et les pays occidentaux ont accusé le régime bélarusse d'encourager, voire d'orchestrer cette crise des migrants majoritairement originaires du Moyen-Orient en leur promettant une entrée facile dans l'UE, ce que Minsk dément.
Au pic de la crise, la Pologne a instauré début septembre à la frontière une zone fermée, notamment aux ONG humanitaires et aux médias, y étendant des barbelés et envoyant plusieurs milliers de soldats.
Le nombre de tentatives de passage en fraude a diminué ces derniers mois.
Human Rights Watch et d'autres ONG ont depuis accusé les deux pays de "violations des droits de l'Homme" à l'égard des migrants.
La Cour suprême polonaise a dénoncé comme "incompatible" à la loi l'interdiction d'accès aux médias empêchés ainsi de relater la crise à la frontière.
Face à des critiques dénonçant la censure, les autorités polonaises ont lancé en décembre des voyages organisés pour journalistes, leur seul moyen pour accéder à la frontière, tourner quelques images, parler éventuellement à des habitants.
Depuis, une centaine de journalistes ont participé à ces excursions qualifiées souvent de "safari".
- Nouvelle clôture -
Sous la neige, par une température avoisinant zéro degré Celsius, les huit journalistes, dont quatre étrangers, sont encadrés par un officier de presse et deux garde-frontières qui, voulant rester anonymes, cachent leur visage derrière un foulard.
Un laissez-passer spécial qu'il faut demander plusieurs jours en amont, à Varsovie, n'est délivré que pour trois heures.
"Au début, c'étaient surtout les médias polonais qui ont pu visiter la zone, les journalistes étrangers devant être spécialement vérifiés", explique la porte-parole.
Mardi, la Pologne a entamé la construction d'une nouvelle clôture à sa frontière avec le Bélarus, destinée à bloquer l'entrée de migrants.
Longue d'environ 186 km, soit près de la moitié de la longueur totale de la frontière de 418 km, la barrière métallique sera haute de cinq mètres et demi et sera équipée de caméras et de détecteurs de mouvement.
Pour les rares habitants qui veulent parler à la presse, le mur dont le coût s'élèvera à 353 millions d'euros et qui doit être achevé en juin, est bien trop onéreux.
Les autorités expliquent la fermeture de la zone et ces visites surveillés par les questions de sécurité.
"Il s'agit de votre sécurité et de la nôtre. Si quelque chose vous arrivait, on en serait responsables", explique aux journalistes Mme Jakimik-Jarosz. "Mais c'est aussi pour nous protéger, qu'on puisse faire notre travail de protéger la frontière".
Selon elle, les militaires et agents à la frontière "ont dû l'année dernière se protéger parfois contre les journalistes qui pointaient de très près leurs caméras sur leurs visages et leur demandaient de se présenter".
"Nous voulons que la presse puisse avoir des informations fiables sur ce qui se passe à la frontière", assure la porte-parole, tout en reconnaissant que "ce n'est pas toujours satisfaisant pour tout le monde".
Th.Frei--HHA