Kenya: premiers rassemblements antigouvernementaux, gaz lacrymogène dans la capitale
La police kényane tentait mardi matin de disperser avec des gaz lacrymogènes les manifestants convergeant dans le centre de la capitale Nairobi, pour la troisième journée d'une mobilisation antigouvernementale inédite menée par la jeunesse qui a gagné le pays en moins de deux semaines.
Un important dispositif de policiers en tenue antiémeutes a été déployé dans le centre d'affaires (CBD) de Nairobi, épicentre des précédentes manifestations, barrant notamment l'accès au Parlement où le projet de budget controversé qui a déclenché la contestation est actuellement en débat.
Les premiers groupes de manifestants arrivés sur place, pour beaucoup des jeunes dont certains brandissaient le drapeau kényan, ont été tenus à distance par des tirs de gaz lacrymogène, a constaté un journaliste de l'AFP.
Pour cette troisième journée d'action, les organisateurs ont appelé à des manifestations à travers le pays et à la grève générale.
Ce mouvement baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le parlement") a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du budget 2024-2025 prévoyant l'instauration de nouvelles taxes - dont une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers.
Après une première manifestation à Nairobi de plusieurs centaines de personnes le 18 juin, le gouvernement avait annoncé abandonner la plupart des taxes prévues.
Mais le hashtag #RejectFinanceBill2024 ("Rejet du projet de budget 2024") a rapidement cristallisé un large mécontentement de la population, frappée par les difficultés économiques depuis plusieurs années, et le 20 juin des cortèges ont défilé dans de nombreuses villes.
- Violences policières -
Les revendications antitaxes ont tourné à la contestation de la politique du président Ruto, qui s'est dit prêt à dialoguer avec jeunesse dimanche.
"Nous avons dépassé le stade des discussions et nous ne pouvons pas être réduits au silence", a répondu dimanche à l'AFP une des organisatrices du mouvement, la journaliste et militante Hanifa Adan.
Largement pacifiques, les deux premières journées de mobilisation ont été marquées par la mort de deux personnes à Nairobi.
Plusieurs dizaines d'autres ont été blessées par la police, qui a également procédé à des centaines d'arrestations.
"Malgré des arrestations massives et des blessés, les manifestations ont continué à prendre de l'ampleur, soulignant le mécontentement généralisé de la population", a souligné lundi dans un communiqué Amnesty International Kenya, mettant en garde contre un risque "d'escalade (qui) pourrait entraîner davantage de morts".
L'ONG Commission kényane des droits de l'homme (KHRC) a accusé les autorités de mener des enlèvements de militants, menés "principalement la nuit (..) par des policiers en civil et dans des voitures banalisées".
La porte-parole de la police kényane, Resila Onyango, n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP sur ces accusations.
- Retrait total -
Le projet de budget doit être voté au Parlement avant la fin de l'année fiscale le 30 juin.
Les manifestants demandent le retrait intégral du texte, dénonçant le tour de passe-passe du gouvernement qui a annoncé le retrait de certaines mesures fiscales mais envisage de les compenser par d'autres, notamment une hausse de 50% des taxes sur les carburants.
Pour le gouvernement, ces taxes sont nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté.
M. Ruto a assuré dimanche que le projet incluait des mesures pour lutter contre le chômage des jeunes et faciliter l'accès à une meilleure éducation.
Le Kenya, pays d'Afrique de l'Est d'environ 52 millions d’habitants, est la locomotive économique de la région. Mais il a enregistré en mai une inflation de 5,1% sur un an, avec une hausse des prix des produits alimentaires et des carburants de respectivement 6,2% et 7,8%, selon la Banque centrale.
R.Weber--HHA