Lourde amende contre douze entreprises pour entente sur les prix dans l'électroménager
"Langage codé pour dissimuler les consignes de prix", liste noire et "rétorsion": dix fabricants et deux distributeurs d'électroménager ont été sanctionnés jeudi par l'Autorité de la concurrence pour avoir empêché les consommateurs de "bénéficier de prix plus attractifs pour l'achat de leurs produits".
Au total, les entreprises devront payer 611 millions d'euros d'amendes pour ces ententes "verticales" (entre fournisseurs et distributeurs et non entre entreprises concurrentes) mises en oeuvre entre février 2007 et décembre 2014, pour "réduire la concurrence, notamment celle exercée par les distributeurs en ligne, et maintenir des prix de vente élevés pour les consommateurs", selon un communiqué de l'Autorité.
Les moyens mis en place allaient de l'interdiction de vente de certains produits sur internet, avec des "blacklists" ou listes noires, à la communication de "prix de vente conseillés" par les fabricants aux distributeurs avec "un langage codé pour dissimuler les consignes de prix".
Les fabricants et fournisseurs s'assuraient ensuite grâce à une surveillance "parfois quotidienne" du respect de ces consignes.
Ils prenaient "directement attache, souvent de manière orale, avec leurs distributeurs afin de leur demander de remonter les prix de revente" à l'aide de sous-entendus évidents: "si tu veux recevoir le produit, tu sais ce qu'il y a à faire", peut-on lire dans le commuiqué de l'Autorité de la concurrence.
En cas de non-respect, ils n'hésitaient pas à "recourir à des mesures de rétorsion (retard et arrêts des livraisons, mise en place de systèmes de ventes exclusives, etc.)" envers les distributeurs.
"Ces pratiques ont ainsi éliminé la concurrence intra-marque au moment du développement de la vente sur internet, empêchant les consommateurs de bénéficier de prix plus attractifs pour l'achat de leurs produits de petit et gros électroménager", dénonce l'Autorité de la concurrence.
L'émergence, à la fin des années 2000, de sites revendant des produits à "prix cassés" a inquiété les fabricants et distributeurs traditionnels. Des distributeurs exclusivement actifs sur internet ont assuré avoir été discriminés s'ils ne possédaient pas de magasins physiques. Conséquence, nombre d'entre eux ont "disparu ou été rachetés par les distributeurs traditionnels".
- Lourdes amendes -
Les fabricants concernés sont BSH (coentreprise entre Siemens et Bosch, rachetée entièrement par ce dernier en 2014), Candy Hoover, Eberhardt, Electrolux, Whirlpool (en tant que successeur d'Indesit et en tant que fabricant sur la période concernée), LG, Miele, Seb, Smeg et Whirlpool.
Les distributeurs, dont l'Autorité souligne qu'ils auraient pu, par leur poids, "mettre fin aux pratiques anti-concurrentielles", sont Boulanger et Darty, respectivement sanctionnés à hauteur de 84,35 millions et 109 millions d'euros.
"Les distributeurs traditionnels dont les deux principaux, Darty et Boulanger, participaient pleinement à ces ententes", souligne le régulateur. Ils voulaient s'assurer que "les produits qu'ils vendaient ne se retrouveraient pas significativement moins chers ailleurs, et notamment en ligne" et demandaient même aux fabricants d'agir quand c'était le cas.
Fnac Darty indique dans un communiqué avoir provisionné, dès le premier semestre 2023, 84 millions d'euros en prévision de cette sanction et qu'il comptabiliserait "une charge additionnelle de 24 millions d'euros sur l'exercice 2024, sans impact sur le résultat opérationnel courant".
Comme neuf autres, Fnac Darty avait décidé de ne pas contester le grief notifié par l'Autorité de la concurrence pour "mettre rapidement un terme à une procédure complexe" et se consacrer à son "plan stratégique".
Le fabricant Seb, qui a reçu l'amende la plus lourde, de 189,5 millions d'euros, et Boulanger avaient choisi de contester les griefs.
Dans un communiqué, Seb annonce qu'il "formera un recours" devant la cour d'appel, rejetant "toute allégation selon laquelle ses pratiques n'auraient pas été conformes aux règles de la concurrence".
Electrolux a de son côté pris acte de la sanction (44,5 millions d'euros), provisionnée dans ses comptes dès 2023.
Une première sanction, d'un montant total de 189 millions d'euros, avait été prononcée en 2018 dans la même affaire contre six des fabricants (BSH, Whirlpool, Indesit, Electrolux, Candy Hoover et Eberhardt Frères) pour des pratiques d'entente horizontale, c'est-à-dire entre entreprises concurrentes.
Dans sa décision de jeudi, l'Autorité précise ne pas avoir retenu le grief qui reprochait aux fabricants de procéder, horizontalement par l'intermédiaire d'un outil mis à disposition par leur syndicat professionnel, à des échanges de données.
U.Smith--HHA