"Violeur de la Sambre": jour de verdict pour Scala, après 30 ans dans l'ombre
Trente ans de viols et d'agressions sexuelles, souvent dans la pénombre du petit matin, par un homme insaisissable, et 56 victimes marquées à vie: la cour d'assises du Nord rend vendredi son verdict au procès de Dino Scala, surnommé le "violeur de la Sambre".
Le parquet a requis jeudi la peine maximale, 20 ans de réclusion criminelle, assortie des deux tiers de sûreté, à l'encontre de cet homme de 61 ans, jugé pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d'agression sexuelle.
Les faits ont été commis entre 1988 et 2018, près du domicile de Dino Scala, autour de la Sambre, rivière traversant la frontière franco-belge.
Derrière l'image de l'ouvrier bien inséré, marié, père de famille, entraîneur d'un club local de football, l'un des deux avocats généraux, Antoine Berthelot a pointé l'"extrême dangerosité" de l'accusé, discernant dans son parcours "l'impensable banalité du mal".
Les trois semaines de procès n'ont pas permis de lever entièrement le mystère autour de sa personnalité, caractérisée selon un expert psychiatre par l'"abîme qui sépare la face sociale et la face cachée".
S'exprimant bien et très disert pour évoquer ses propres souffrances et frustrations, Dino Scala, qui reconnaît 40 des 56 faits qui lui sont reprochés, n'a fourni que des bribes d'explications sur le déclenchement et la réitération de ses passages à l'acte.
- Ni âge, ni visage -
Un même mode opératoire se retrouve dans la plupart d'entre eux: des agressions presque toujours à l'aube, en hiver, généralement sur la voie publique, des victimes attaquées par derrière, étranglées avec l'avant-bras ou une cordelette, traînées à l'écart, menacées souvent à l'aide d'un couteau.
Experts psychiatres et psychologues ont vu dans ces agressions une rage de dominer, un plaisir pris à la terreur des victimes, de la part d'un homme pourtant peu porté sur le sexe mais pétri de frustrations, qui exprime la plainte récurrente de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur dans sa vie conjugale, professionnelle, sportive.
Les victimes n'avaient pour lui ni âge, ni visage, concluent les experts: elles étaient des ombres abstraites.
Interrogé sur le risque qu'il recommence s'il sortait de prison, le sexagénaire, qui se dit prêt à la castration chimique, a assuré que c'était "impossible": "J'ai fait trop de malheur autour de moi. Quand j'ai agressé ces personnes, je ne me rendais pas compte de la gravité des faits. Pour moi, il n'y avait pas de violence."
Sur les 56 victimes, âgées de 13 à 48 ans au moment des faits, près de la moitié n'a pas assisté au procès. Si trois d'entre elles sont décédées, beaucoup ont préféré ne pas se confronter à leur agresseur.
- "Supplice" -
Celles qui se sont succédé à la barre sont apparues profondément marquées. "Cela fait 22 ans que je revis ce viol, c'est un supplice", a témoigné l'une d'elle.
Certaines avaient également été malmenées lors de leur dépôt de plainte, voire traitées de menteuses.
Pour Fanny Bruyerre, avocate de neuf victimes, "la loi n'est pas à la hauteur: 20 ans, c’est tellement peu" pour 56 "vies détruites". "La peine maximale encourue est moins longue que la durée de ses agissements", a-t-elle relevé.
Longtemps infructueuse, l'enquête a fini par aboutir après l'agression d'une adolescente en 2018 en Belgique, où une caméra de vidéosurveillance a capturé l'image de la voiture de Dino Scala.
Son avocate Margaux Mathieu a fustigé jeudi une "enquête bâclée" et des rapprochements opérés avec "un tamis à grosses mailles", entre des faits réels et des dossiers "qui sont vides".
Selon le parquet général, 14 autres faits, écartés par la juge d'instruction, doivent faire l'objet "d'investigations complémentaires" après le procès.
Dino Scala, lui, se projette, selon l'expert psychiatre, dans une vie après la prison, où il travaille avec une psychiatre sur la "colère" qui l'habite.
Il reçoit, entre autres, les visites des trois enfants de son second mariage, dont il est resté très proche.
H.Eggers--HHA