La Suisse gagne un concours de l'Eurovision par les tensions autour d'Israël
Nemo a remporté dimanche pour la Suisse l'Eurovision avec "The Code", une chanson très personnelle sur le fait d'être non binaire, un sacre qui clôt un concours accaparé par les tensions autour de la participation israélienne, en pleine guerre dans la bande de Gaza.
"J'espère que cette compétition pourra continuer à encourager la paix et la dignité pour chacun", a déclaré, en recevant son trophée, l'artiste de 24 ans, les yeux embués de larmes.
Avec sa veste à plumes roses et rouges et sa jupe satinée rose, Nemo a obtenu les faveurs des jurys avec 365 points, mais aussi séduit le public qui lui en a rapporté 226, lui permettant avec 591 points de dépasser le favori croate, Baby Lasagna et ses 547 points. L'Ukraine a terminé troisième (453 points) et la France quatrième (445 points).
"+The Code+ raconte le voyage que j'ai commencé en réalisant que je ne suis ni un homme ni une femme", avait auparavant raconté Nemo, qui donne au petit pays alpin, chantre de la neutralité politique sa troisième couronne dans un concours qui se veut apolitique. C'est la première victoire de la Suisse depuis "Ne partez pas sans moi" interprétée par Céline Dion en 1988.
L'Israélienne Eden Golan, dont la présence à Malmö a généré une vive controverse alors que son pays est en guerre contre le Hamas à Gaza, est arrivée en ciquième position avec 323 points pour sa chanson "Hurricane".
- Manifestants dispersés -
Dans la salle de spectacle, la performance de la candidate israélienne a été accueillie sous un mélange de huées et de bravos, avant de poursuivre dans le calme. A l'extérieur, les policiers, présents en nombre, ont dispersé une centaine de manifestants propalestiniens dont Greta Thunberg, plus connue pour ses prises de positions sur le climat mais qui a récemment multiplié les messages sur la question.
Pour assurer la sécurité de l'événement - et des 100.000 fans de 90 pays - la police de Malmö a mobilisé des renforts de tout le pays scandinave mais aussi du Danemark et de Norvège.
Dans les rues de la troisième ville de Suède, qui compte la plus importante communauté d'origine palestinienne du pays, plus de 5.000 personnes, selon la police, ont défilé dans le calme pour protester contre la participation d'Israël.
"Nous ne sommes pas contre l'Eurovision, mais contre la participation d'Israël à l'Eurovision. Nous ne voulons pas de sa représentante à Malmö (...) à cause de ce qui se passe à Gaza", a résumé Ingemar Gustavsson, un retraité suédois.
A la mi-journée samedi, l'Union européenne de radio-télévision (UER), qui chapeaute le concours, a par ailleurs annoncé l'exclusion du participant néerlandais Joost Klein après le dépôt d'une plainte par une membre de l'équipe de production. Une enquête de police est en cours.
Le diffuseur néerlandais Avrotros a expliqué que son candidat, qui avait dit souhaiter ne pas être filmé, avait eu un "mouvement menaçant" vers une cadreuse jeudi soir. Son exclusion n'a rien à voir avec les signes de protestation qu'il avait eu contre la participation de l'Israélienne, a dit l'UER.
- Appels au boycott -
Eden Golan, 20 ans, avait décroché jeudi soir son ticket pour la finale avec la chanson "Hurricane", dont la version initiale avait dû être modifiée car considérée comme faisant allusion à l'attaque du Hamas qui a ensanglanté Israël le 7 octobre.
Avant la demi-finale, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait jugé qu'elle avait "déjà gagné", la saluant dans un message vidéo pour avoir affronté "avec succès une horrible vague d'antisémitisme".
L'UER avait confirmé en mars la participation israélienne malgré les critiques. Neuf des participants, dont sept sont en finale, ont appelé à un cessez-le-feu durable à Gaza, où Israël multiplie les frappes.
Israël participe depuis 1973 à l'Eurovision, qu'il a remporté pour la quatrième fois en 2018.
- Neutralité -
La neutralité revendiquée par l'UER est bousculée comme jamais. Mardi, le chanteur suédois Eric Saade était apparu le bras ceint d'un keffieh palestinien lors du numéro d'ouverture.
Un geste regretté par l'UER, qui avait interdit au président ukrainien Volodymyr Zelensky de s'exprimer lors du concours l'an dernier, au nom de la neutralité politique.
Cette année, le conflit en Ukraine a été éclipsé par la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque du mouvement islamiste palestinien, qui a fait plus de 1.170 morts, des civils pour la plupart, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, l'armée israélienne a lancé une offensive à Gaza, qui a fait jusqu'à présent 34.943 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Dans l'enceinte, tout drapeau autre que ceux des participants était interdit, comme toute bannière à message politique.
W.Taylor--HHA