Hamburger Anzeiger - Au Kazakhstan, l'émergence de villages "sobres" contre l'alcoolisme

Euronext
AEX 0.59% 881.73
BEL20 0.25% 4227.31
PX1 0.78% 7235.11
ISEQ 1.08% 9608.75
OSEBX -0.19% 1454.21 kr
PSI20 -0.2% 6418.34
ENTEC -0.41% 1416.23
BIOTK -0.55% 3004.1
N150 0.2% 3294.56
Au Kazakhstan, l'émergence de villages "sobres" contre l'alcoolisme
Au Kazakhstan, l'émergence de villages "sobres" contre l'alcoolisme / Photo: Ruslan PRYANIKOV - AFP

Au Kazakhstan, l'émergence de villages "sobres" contre l'alcoolisme

Sur les étagères des épiceries à Karakoudouk, pas une goutte d'alcool. Cette localité du Kazakhstan est parmi les pionnières d'une tendance en plein essor dans les villages de ce pays d'Asie centrale: la prohibition.

Taille du texte:

Comme tant d'ex-républiques soviétiques, notamment la Russie, le Kazakhstan a hérité d'un fléau: l'alcoolisme. Les autorités kazakhes veulent faire adhérer la population à un "mode de vie sain", conduisant à des expériences de villages sans alcool.

Ici, pas de motif religieux: si l'islam est majoritaire, le Kazakhstan est laïque, marqué par des décennies d'athéisme soviétique.

"Si vous voulez boire, il y a de l'eau, des jus, des sodas, du lait fermenté", propose à l'AFP Aïguerim Moukeeva, propriétaire du magasin "al-Nazar" à Karakoudouk, bourgade de quelque 650 habitants perdue dans la steppe.

Le ministère kazakh de l'Intérieur recense au moins 97 localités "sobres", dont la moitié dans la région industrielle de Karaganda, où se trouve Karakoudouk.

Selon la presse, le phénomène s'accélère et d'autres villages rejoignent le mouvement.

Officiellement, les pouvoirs publics ne sont pas à l'origine de ces expériences, qui "viennent de la population", assure à l'AFP un porte-parole de la police.

- Contrôle social -

Ces initiatives sont généralement proposées par les anciens, au rôle crucial dans les sociétés centrasiatiques, exerçant le contrôle social et agissant souvent comme auxiliaires de l'Etat.

C'est le poids du jugement de la communauté qui dissuade la population de sortir du rang. Légalement, l'alcool n'est donc pas interdit, tout est fait en revanche pour qu'il disparaisse.

"Le seul magasin qui vendait de l'alcool a fermé il y a quelques années, faute de demande des habitants", dit Baouyrjan Joumagoulov, maire de Karakoudouk.

Mais l'ex-officier des forces spéciales de la police glisse avoir "conseillé" aux commerçants de ne pas prolonger leur licence de vente.

Dans d'autres villages, des méthodes plus radicales ont été employées. A Abaï (centre), les habitants ont brisé les bouteilles d'alcool en vente, selon la télévision étatique.

"Nous sommes contre... la vodka !" avaient scandé trois fois, poing levé, le maire et les habitants, tandis qu'à Aksou (nord), la police a brisé au bulldozer 1.186 bouteilles d'une épicerie ayant vendu de l'alcool la nuit.

Si les statistiques sur la consommation au Kazakhstan restent parcellaires - 4,5 litres par an et par habitant selon l'Organisation mondiale de la Santé, 7,7 litres d'après le gouvernement -, les ravages sociétaux sont mieux quantifiés.

Selon les autorités, l'alcool est la première cause de divorce et incriminé dans la moitié des cas de violences conjugales. A cela s'ajoutent d'autres délits et crimes commis en état d’ébriété et 90.000 personnes officiellement recensées comme alcooliques, soit environ 0,5% de la population.

D'autres mesures ont été mises en place dans les années 2020, comme l'interdiction de vente d'alcool, de boissons énergisantes et du tabac aux moins de 21 ans.

- Criminalité nulle -

Les médias louent eux les expériences de prohibition, citant les autorités qui proclament que la délinquance a disparu dans ces "villages exemplaires".

A Karakoudouk, le commandant de police Kouanych Kalelov, pavoise: "le taux de criminalité est nul", sans évoquer quels délits étaient commis, ni la question des violences conjugales commises généralement dans le huis clos familial.

"Les jeunes du village mènent un mode de vie sain", proclame le maire, montrant son projet phare, "un gymnase neuf pour un village sobre", à côté d'un dispensaire "construit à l'initiative du président Kassym-Jomart Tokaïev".

Pour dissuader d'éventuels contrevenants tentés de rapporter quelques bières de Karaganda, la capitale régionale distante de 30 kilomètres, le commandant Kalelov rappelle aux jeunes "le risque d'amende (environ 35 euros) pour ivresse sur la voie publique".

"Je fais de la prévention", assure le policier, qui patrouille dans sa Lada Niva blanche les rues cabossées du village, insistant sur les dangers de l'alcool au volant, avec 12.000 permis retirés pour ivresse cette année au Kazakhstan.

Les habitants se disent enthousiastes, mais les journalistes de l'AFP ont visité le village en présence des services de sécurité, protocole courant en Asie centrale.

"Boire n'apporte rien de bon. Les jeunes doivent se tenir loin de l'alcool", martèle le fermier Maksat Bitebaïev, un trentenaire assis sur sa moto, pour qui "la construction du gymnase est positif pour la jeunesse".

Les aînés assurent montrer l'exemple. "Avant on prenait de la bière, l'été quand il faisait chaud", dit Serik Bakhaev, 68 ans. Plus maintenant. A la place, on boit du koumys, boisson à base de lait fermenté de jument, brassée localement par Indira Eguenberdieva.

"On le vend partout, les magasins nous en achètent et des clients viennent de Karaganda", raconte la fermière.

Ch.Tremblay--HHA