Un ex-ministre plaide coupable dans un rarissime procès pour corruption à Singapour
L'ancien ministre des Transports de Singapour, S. Iswaran, a plaidé coupable pour cinq chefs d'accusation, mardi au premier jour de son procès, dans la première affaire de corruption impliquant un homme politique depuis près de cinquante ans dans la cité-Etat.
L'ex-ministre, qui s'est fait connaître pour avoir attiré des courses de Formule 1 dans le pays d'Asie du Sud-Est, a démissionné en janvier après avoir été inculpé.
Le gouvernement a depuis indiqué qu'il réexaminerait les termes de l'accord conclu avec le Grand Prix de Formule 1. La dernière édition s'est tenue le dimanche précédent l'ouverture du procès.
M. Iswaran, 62 ans, est arrivé à la Cour suprême mardi matin dans un SUV blanc et est entré sans répondre aux questions des journalistes rassemblés à l'extérieur, avant le début de l'audience.
Ce procès est vu par les observateurs comme un défi majeur pour la formation au pouvoir, le Parti d'action populaire (PAP), avant les élections législatives qui devraient se tenir fin 2025.
M. Iswaran était initialement inculpé de 35 infractions. Mais les procureurs ont finalement décidé de ne le poursuivre que pour cinq délits de moindre gravité, dont un pour obstruction à la justice, passible de sept ans de prison, et quatre liés à la réception de cadeaux de valeur, une infraction punie de deux ans de prison maximum.
- Six à sept mois requis -
"Je plaide coupable", a-t-il déclaré devant le tribunal. Les trente chefs d'accusation restants seront tout de même pris en compte pour déterminer la peine à laquelle il sera condamné à une date ultérieure, selon les médias locaux.
Les procureurs ont requis six à sept mois de prison pour l'ensemble des chefs d'accusation, a rapporté le quotidien Straits Times. La défense de l'ex-ministre, quant à elle plaide pour une peine de huit semaines d'emprisonnement maximum.
Il est reproché à M. Iswaran d'avoir accepté des cadeaux d'une valeur de plus de 300.000 dollars de la part de deux hommes d'affaires, dont des billets pour des événements sportifs, des voyages en avion en classe affaires et des spectacles offerts par le magnat malaisien de l'hôtellerie Ong Beng Seng, l'une des personnes les plus riches de Singapour.
M. Ong, directeur général de Hotel Properties Limited, avait été arrêté le même jour que le ministre en 2023, mais n'a plus été inquiété depuis.
- Whisky et clubs de golf -
Le ministre est également accusé d'avoir accepté des bouteilles de whisky et des clubs de golf de la part d'un haut dirigeant d'une entreprise de construction, qui n'a également pas été sanctionné.
La plupart des accusations portées contre M. Iswaran sont fondées sur une loi qui interdit aux fonctionnaires d'accepter des objets de valeur de la part de relations de travail.
Ses avocats affirment qu'il a accepté ces cadeaux à titre personnel, présentant les hommes d'affaires comme des amis proches. Et selon les médias locaux, il a déjà remboursé 295.000 dollars au gouvernement et plusieurs cadeaux ont été saisis par l'Etat.
Le Premier ministre Lawrence Wong a réaffirmé que la politique anti-corruption du parti était "non négociable", dans un pays longtemps salué comme l'un des moins corrompus au monde.
Les ministres de la cité-Etat bénéficient de hauts salaires, comparables à ceux des cadres dirigeants du secteur privé, afin de prévenir toute tentation.
Le dernier membre du gouvernement singapourien à avoir été condamné pour corruption est l'ancien ministre de la Défense et de l'Environnement Wee Toon Boon en 1975, accusé d'avoir accepté des pots-de-vin d'une valeur de plus de 600.000 dollars alors qu'il faisait partie de l'exécutif. Condamné à quatre ans et demi de prison ferme, il avait vu sa peine réduite à dix-huit mois de prison en appel.
A.Roberts--HHA