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Le monde ferroviaire français en pleine mutation face à l'avènement de la concurrence
Le monde ferroviaire français en pleine mutation face à l'avènement de la concurrence / Photo: Philippe Huguen - AFP/Archives

Le monde ferroviaire français en pleine mutation face à l'avènement de la concurrence

Le 14 décembre, une nouvelle étape cruciale dans la transformation du rail français va être franchie: environ 1.200 cheminots de la SNCF vont être transférés dans des filiales du groupe public, spécialement créées pour répondre au défi de l'ouverture à la concurrence, qui suscite la colère des syndicats.

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A Amiens, Nice et Nantes, des cheminots travaillant pour les trains express régionaux (TER) vont quitter SNCF Voyageurs pour intégrer des "sociétés dédiées", signant la fin du monopole de la SNCF sur ces lignes régionales.

Ces trois "lots" ont été remportés lors d'appels d'offres organisés par les régions qui ont fait le choix d'ouvrir leurs réseaux TER à la concurrence. Seules deux régions (Bretagne et Occitanie) ont repoussé cette échéance aussi tard que la loi leur permettait, en 2030.

D'ici là, la quasi totalité des cheminots des TER seront transférés soit dans des filiales de la SNCF, soit chez des concurrents ayant remporté les marchés - comme par exemple Transdev pour le Nice-Marseille dès 2025.

Actuellement, "près de 60% du marché TER" est en processus d'appel d'offres, indique un cadre de SNCF Voyageurs. Pour l'heure, cinq lots ont été attribués (trois à SNCF Voyageurs et deux à Transdev).

"J'appelle ça une privatisation de basse intensité", avance Fabien Villedieu, secrétaire fédéral Sud-Rail dont le syndicat appelle à une grève jeudi en compagnie de la CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire et la CFDT-Cheminots.

- Compétitivité -

Fin 2021, Trenitalia a été la première compagnie à profiter de l'ouverture du marché français de la grande vitesse. Elle a depuis été rejoint par l'Espagnole Renfe.

Mais pour les trains régionaux, le processus a été plus long. Et cette "filialisation" dénoncée par les syndicats, va s'accompagner de pertes de droits, insistent-ils.

A compter du transfert des cheminots, la filiale a 15 mois pour renégocier l'ensemble des accords d'entreprise de la SNCF.

"Le plus important, c'est l'organisation du temps de travail", explique Fabien Villedieu. A savoir le nombre de jours de repos dans l'année, l'amplitude d'une journée de travail ou encore le nombre de nuits découchées loin du domicile.

Les discussions seront menées sur la base de l'accord de branche - moins avantageux que celui de la SNCF - afin d'être compétitif, indique-t-on du côté du groupe ferroviaire.

Le secrétaire général de la CGT-Cheminots, Thierry Nier, dénonce un "dumping social et une dégradation des conditions de travail" qui aura pour conséquence une détérioration de la qualité de service.

Quelques avantages sont malgré tout garantis, comme les droits à la retraite pour les cheminots au statut, la garantie de l'emploi ou encore les facilités de circulation (billets de trains à prix réduits).

- Aménagement du territoire -

Gilles Savary, membre du haut comité du ferroviaire, estime que la concurrence va forcer la SNCF à faire des gains de productivité et donc engendrer une baisse des prix.

"Tous les modes de transport qui se sont ouverts à la concurrence ont connu un boom", dit-il, citant l'exemple du transport aérien avec l'émergence des compagnies low-cost.

Dans la région de Nice, l'offre de trains va augmenter de 75% à partir de mi-décembre assure SNCF Voyageurs.

L'arrivée de Trenitalia sur l'axe Paris-Lyon a aussi permis de faire baisser les prix d'environ 10%, selon l'Autorité de régulation des transports (ART).

La concurrence a "beaucoup d'avantages", confirme le président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), François Delétraz. Mais elle induit aussi quelques "effets pervers", prévient-il.

"Il ne faut pas qu'elle se fasse sur les trois lignes rentables et que la SNCF ferme toutes les lignes non rentables de France", s'inquiète-t-il.

Contrairement au transport régional, largement subventionné, la grande vitesse ne touche pas d'argent public. Historiquement, la SNCF a été contrainte par le pouvoir politique à des dessertes non rentables (Chambéry, Saint-Malo, Saint-Etienne...) au nom de l'aménagement du territoire.

Or les concurrents se positionnent uniquement sur les lignes lucratives, faisant craindre l'abandon de certaines dessertes par la SNCF pour rester compétitive.

Le gouvernement s'est récemment saisi de cette question puisque le ministre délégué aux Transports François Durovray a lancé un chantier sur l'avenir des dessertes d'aménagement du territoire par le TGV pour que la concurrence "ne se fasse pas au bénéfice seulement de certains territoires".

E.Gerber--HHA