Au Brésil, les rêves noyés d'un éleveur frappé par les inondations
Des milliers de porcs noyés, un élevage décimé: Vernei Kunz a vu 42 ans de travail réduits à néant quand sa ferme a été dévastée par les inondations historiques qui ont meurtri le sud du Brésil.
C'était le 2 mai, à six heures du matin. L'éleveur de 60 ans n'oubliera jamais le vacarme assourdissant de l'eau qui emporte tout sur son passage, après la crue de la Forqueta, une rivière qui coule à environ 500 mètres de sa ferme.
"Nous avions des truies, des porcelets. Ils étaient tous dans nos granges", déplore-t-il, montrant du doigt ces bâtiments autrefois imposants dont il ne reste plus que des tas de décombres.
"Nous avons ouvert les portes pour qu'ils sortent, nous avons réussi à en retirer quelques-uns qui nageaient et à les mettre en lieu sûr, mais les autres se sont noyés", raconte le fermier, le regard sombre sous sa casquette bleue.
Seuls 700 de ses 5.000 porcs ont pu être sauvés. A l'odeur pestilentielle qui persiste, on comprend que certains demeurent ensevelis sous l'océan de boue qui a recouvert l'exploitation, à Travesseiro, localité de la vallée de Taquari, l'une des zones les plus touchées par les inondations dans l'Etat du Rio Grande do Sul.
- Pont défoncé -
M. Kunz, un fermier d'origine allemande comme beaucoup d'autres dans la région, estime ses pertes à 10 à 15 millions de réais (1,8 à 2,7 millions d'euros).
Le Rio Grande do Sul est l'un des plus grands Etats producteurs de porc du Brésil. Selon les représentants du secteur, le désastre a atteint au moins 25% de la production. Plus largement, le secteur agricole, moteur de l'économie régionale, a subi des pertes évaluées à 2,2 milliards de réais (près de 400 millions d'euros), d'après des estimations récentes.
M. Kunz a dû se résoudre à licencier ses 12 employés. Les porcs qui ont survécu ont été pris en charge par l'entreprise à laquelle il fournissait habituellement ses bêtes.
Après avoir englouti sa ferme, l'eau qui a déferlé quand la Forqueta est sortie de son lit a avancé jusqu'à un pont qui relie Travesseiro aux autres communes de la région. Un ouvrage de vingt mètres de haut, dont il ne reste plus que les deux extrémités.
"J'ai déjà vécu de fortes inondations en 2010, mais pas aussi graves. On avait pu reconstruire. Cette fois, tout a été détruit", soupire-t-il.
Selon les experts, l'intensité inédite des inondations qui ont fait plus de 160 morts et des dizaines de disparus dans le sud du Brésil est liée au réchauffement climatique.
"On ne peut pas aller contre la nature", admet Vernei Kunz, dépité.
- "Tout brûler" -
Arbres arrachés, murs détruits, barres de fer ou plaques d'aluminium broyées... Les décombres s'amoncellent dans son exploitation qui s'étend sur des centaines d'hectares. Comme après le passage d'un cyclone.
"Je vais devoir tout brûler. Que pourrais-je faire d'autre pour me débarrasser de tout ça?", lâche-t-il.
Son fils Eduardo, 34 ans, explique que la ferme était "totalement automatisée", avec des machines ultra-modernes. Du matériel "très coûteux et difficile à remplacer", explique ce père d'un enfant de deux ans, qui vit avec son épouse et ses parents.
La petite maison familiale, bâtie sur les hauteurs de la propriété, a échappé à la crue dévastatrice.
Les Kunz n'ont aucune intention de quitter Travesseiro, localité paisible où la plupart des quelque 2.000 habitants gagnent leur vie en cultivant des céréales destinées au bétail.
Mais ces fermiers vont devoir s'adapter. Ils vont planter du maïs et du soja: "Comme ça, si je perds tout à nouveau, ce sera moins dur de recommencer", expose Vernei Kunz.
Les premiers semis ne devraient pas commencer avant 2026. D'ici là, la famille va devoir obtenir un crédit pour repartir de l'avant.
E.Borstelmann--HHA