Mexique : bain de foule géant pour le président, une première depuis des décennies
Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, s'est offert dimanche un bain de foule de plus de cinq heures en descendant dans la rue à Mexico, une première depuis des décennies, avec en ligne de mire la prochaine élection prévue en 2024.
A 14H00 locales (20H00 GMT), le président de gauche nationaliste, très populaire, continuait d'avancer à petits pas, entouré de dizaines de milliers de ses supporteurs dans ce pays de 126 millions d'habitants.
Après cinq heures de marche, AMLO -ses initiales et son surnom-, 69 ans, n'était toujours pas arrivé à Zocalo, la place emblématique du Mexique où il doit prononcer un discours pour ses quatre ans au pouvoir.
C'est la première fois qu'un président mexicain en exercice prend la tête d'une manifestation depuis Lazaro Cardenas (1934-1940), d'après le site du journal espagnol El Pais qui cite des historiens, des politologues et des universitaires.
Aucune estimation officielle du nombre de participants n'était disponible, comme souvent au Mexique.
Les rues étaient noires de monde sur plus de quatre kilomètres, du point de départ jusqu'à Zocalo, la place la plus célèbre du pays avec sa cathédrale coloniale et le palais national, siège de la présidence qui abrite des fresques murales de Diego Rivera.
De nombreux manifestants sont venus en bus des Etats de l'intérieur du pays (Veracruz, Guerrero...), preuve de la capacité de mobilisation du parti au pouvoir, le Mouvement pour la régénération nationale (Morena).
Au son des mariachis, ils ont multiplié les déclarations de soutien au président, qui jouit de près de 60% d'avis favorables d'après des enquêtes d'opinion.
"Il a fait ce qu'aucun président n'a fait pour les pauvres, même s'il doit améliorer quelques points, comme l'insécurité. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain", a indiqué à l'AFP, Ramon Suarez, un électricien.
"J'aime la manière de gouverner d'AMLO", s'est enthousiasmée Alma Perez, une éducatrice de 35 ans, venue de l'Etat de Guerrero (sud).
"Je n'écoute pas les critiques qui lui sont faites. Elles n'ont aucune raison d'être. Par exemple, la violence n'a pas commencé avec lui", a-t-elle ajouté, en référence aux dizaines de milliers d'homicides que le Mexique continue d'enregistrer chaque année (33.308 en 2021).
- "Montrer ses muscles" -
Volontiers clivant et adepte de la "polarisation" politique, le président avait estimé que ses adversaires défendaient en fait "le racisme, le classisme et la corruption".
AMLO affirme que son propre rassemblement n'est pas une réponse à l'opposition, mais une façon de "célébrer des progrès dans la transformation du Mexique".
Il veut "montrer ses muscles", estime Fernando Dworak, analyste à l'Institut technologique autonome de Mexico (ITAM), joint par l'AFP.
"L'opposition a commis une grave erreur en croyant qu'elle pouvait vaincre le président dans la rue", a-t-il poursuivi.
La mobilisation de dimanche intervient à moins de deux ans de la présidentielle de 2024 (le chef de l'Etat au Mexique est élu pour un mandat unique de six ans).
Deux possibles dauphins du président marchent avec lui, la maire de Mexico Claudia Sheinbaum et le ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard.
- Projet de réforme électorale -
Portée par la popularité d'AMLO, Morena est en position de force face à un bloc d'opposition qui regroupe le PRI, l'ancien parti au pouvoir pendant 70 ans, le PAN (droite) et le PRD (gauche).
Cette alliance s'est récemment divisée, avant de retrouver son unité contre le projet de réforme électorale.
La réforme prétend changer les règles de fonctionnement de l'Institut national électoral (INE) pour que ses membres soient élus, et non plus choisis par les partis.
Elle prévoit également de réduire la taille de l'INE, ainsi que le nombre des membres du Parlement (les députés passeraient de 500 à 300, et les sénateurs de 128 à 96).
Ses détracteurs accusent AMLO de vouloir en finir avec l'"indépendance" de l'INE, qui supervise l'organisation des élections depuis sa création en 1990.
Le président a besoin d'une majorité des deux-tiers au Parlement pour l'approbation de cette réforme, car il s'agit d'une réforme constitutionnelle.
L'opposition accuse également le président mexicain d'autoritarisme et de vouloir "militariser" le pays. AMLO a de fait confié à l'armée plusieurs grands chantiers ainsi que des tâches de sécurité publique dans un pays qui n'arrive pas à sortir de la violence du narco-trafic.
E.Bekendorp--HHA