"Coup de semonce" des médecins libéraux pour "sauver" leurs cabinets
"Un coup de semonce", voire le combat de "la dernière chance pour sauver la médecine de terrain": des milliers de médecins et biologistes libéraux ont fermé cabinets et laboratoires jeudi et vendredi, les uns pour réclamer des hausses de tarifs, les autres pour éviter une ponction de leurs bénéfices.
Pour la première fois depuis 2015, un très large front syndical a appelé à la grève pour faire pression sur l'exécutif.
Ce "mouvement historique" a été initié par le jeune collectif "Médecins pour demain", qui a rassemblé en quelques semaines près de 15.000 membres sur Facebook, symptôme d'une colère qui se répand parmi les 110.000 praticiens libéraux en exercice.
Avec pour revendication le doublement du tarif de la consultation (de 25 à 50 euros), ce groupe a rallié les syndicats à sa cause. Ceux-ci y voient un moyen de peser dans la négociation ouverte avec l'Assurance maladie en vue d'un nouvel accord pour les cinq prochaines années.
"Cinquante euros, ça peut paraître complètement fou, mais c'est un point sur l'horizon pour s'approcher de la moyenne européenne" du tarif de consultation, autour de 45 euros, fait valoir Jérôme Marty, du syndicat UFML.
La hausse des tarifs est présentée par les syndicats comme une nécessité pour créer un "choc d'attractivité" vers une médecine de ville écrasée par les tâches administratives au détriment du soin, et qui n'attire plus les jeunes.
- Liberté d'installation -
Même si toutes les organisations n'appellent pas à la grève, à l'image de SOS Médecins et du syndicat des pédiatres mobilisés sur le front de l'épidémie de bronchiolite, "des milliers de cabinets médicaux seront fermés", assure Médecins pour demain.
Un rassemblement est prévu à Paris près du ministère de la Santé à 14H00. Une vingtaine d'actions sont annoncées dans d'autres grandes villes.
Au-delà du sujet financier, les médecins s'inquiètent pour leur liberté d'installation, de plus en plus remise en question, notamment au Parlement où s'accumulent les propositions de loi sur les déserts médicaux. Ils sont vent debout contre l'éventualité que certains infirmiers puissent être autorisés à prescrire.
L'union sacrée s'étend aux internes de l'Isni, toujours mobilisés contre l'ajout d'une dixième année d'études pour les futurs généralistes.
Sans s'engager sur un montant, l'Assurance maladie s'est dite prête "à revaloriser les tarifs des actes et consultations", dans un courrier aux médecins de son directeur général, Thomas Fatôme.
Mais il n'est pas certain que ce message d'apaisement entame la mobilisation.
"Si nous ne sommes pas entendus, nous appellerons à la grève dure et illimitée à partir du 26 décembre", prévient déjà Médecins pour demain.
- "Entêtement" -
Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a indiqué jeudi sur BFMTV souhaiter laisser "l'Assurance maladie travailler avec les syndicats". Mais il a dit comprendre "parfaitement le stress, voire la détresse dans laquelle se trouvent un certain nombre de nos médecins".
Son successeur au ministère de la Santé, François Braun, est "à l'écoute des médecins libéraux et les incite à s'engager dans la négociation avec l'Assurance maladie afin d'identifier des solutions concrètes", assure son entourage.
Il sera cependant "particulièrement attentif (...) à ce que la continuité des soins des Français soit assurée", prévient son cabinet. Des réquisitions sont possibles.
Les médecins ne sont pas seuls dans ce mouvement. Pointés du doigt pour leurs profits records liés aux tests Covid-19, les laboratoires refusent eux la ponction de 250 millions d'euros par an inscrite dans le budget de la Sécurité sociale.
"Ce coup de rabot entraînera une fermeture des laboratoires de proximité", s'est alarmé François Blanchecotte (Syndicat des biologistes), au nom d'une profession qui emploie 52.000 salariés et pourrait perdre selon lui 400 de ses 4.200 sites.
Le secteur, qui revendique "90 à 95%" de laboratoires en grève, a proposé de "rendre" 685 millions d'euros sur quatre ans, soit "près de 80%" de ses bénéfices depuis 2020.
Sa mobilisation durera non pas deux mais trois jours, samedi inclus. "Si le gouvernement ne saisit pas la possibilité de dialoguer, son entêtement va nous obliger à (...) prendre des dispositions encore plus graves et difficiles à supporter", a menacé devant la presse François Blanchecotte, portant un brassard "BIO EN GREVE".
O.Zimmermann--HHA