Pérou: la nouvelle présidente Dina Boluarte pressée d'agir
Le nouvelle présidente du Pérou Dina Boluarte, investie à la tête du pays latino-américain, était pressée d'agir jeudi pour former un gouvernement d'ouverture ou appeler à des élections anticipées après la destitution et l'arrestation de son prédécesseur Pedro Castillo.
"J'assume (le pouvoir) conformément à la Constitution du Pérou, à partir de ce moment" et jusqu'en "juillet 2026", lorsque devait prendre fin le mandat de M. Castillo, a dit l'avocate de 60 ans issue du même parti d'inspiration marxiste (Peru libre) que lui.
Lors d'une cérémonie d'investiture devant le Parlement où elle a été ceinte de l'écharpe présidentielle pour devenir la première femme présidente du Pérou, Dina Boluarte, a estimé qu'il y avait "eu une tentative de coup d'Etat promue par Pedro Castillo qui n'a trouvé aucun écho dans les institutions".
- "Gouvernement d'ouverture" -
Pour l'ancien président péruvien Ollanta Humala (2011-2016), Dina Boluarte n'a toutefois "pas de membres de son parti au Congrès : elle est seule". "Elle n'a pas les moyens de gouverner et devrait appeler à une élection anticipée", a-t-il déclaré.
Mais Keiko Fujimori, candidate malheureuse à la dernière élection présidentielle, a renouvelé le soutien de son parti à la présidente tout en l'appelant à former un gouvernement d'ouverture.
"Nous espérons que la présidente forme un gouvernement d'ouverture, un très bon gouvernement et nous devons tout faire pour qu'il fonctionne au mieux", a-t-elle dit.
Arrivé au pouvoir en juillet 2021, Pedro Castillo, 53 ans, a été "placé en état d'arrestation", a annoncé la procureure Marita Barreto. Des images ont montré le chef de l'Etat déchu assis dans un fauteuil, entouré de procureurs et de policiers.
Selon les médias péruviens, M. Castillo a ensuite été transféré par hélicoptère vers une base des forces spéciales de la police à Lima, où il devrait être détenu pour une durée maximale de 15 jours.
Une source judiciaire a précisé à l'AFP qu'une enquête pour "rébellion" avait été ouverte contre M. Castillo qui n'aura dirigé le pays que dix-sept mois.
Elle vient s'ajouter aux six autres enquêtes pour corruption ou trafic d'influence le visant, infractions dont sont également accusés des membres de sa famille et de son entourage politique.
Sa destitution pour "incapacité morale", retransmise en direct à la télévision, a été approuvée par 101 des 130 parlementaires, dont 80 dans l'opposition.
Dans un effort de dernière minute pour sauver son poste, l'ancien président avait annoncé la dissolution du Parlement quelques heures avant que ce dernier ne se réunisse pour statuer sur son sort.
"Il y a eu un coup d'Etat dans le plus pur style du 20e siècle", a dénoncé le président de la Cour constitutionnelle Francisco Morales, estimant que "personne ne doit obéissance à un gouvernement usurpateur".
L'analyste politique indépendant Augusto Alvarez a déclaré à l'AFP que M. Castillo s'était retrouvé "dans l'illégalité". "C'est un auto-coup d'Etat".
- "Garantir la stabilité" -
Des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le calme devant le Parlement.
D'autres ont pris la défense de M. Castillo et appelé "au respect du vote du peuple", comme Sissy, une employée municipale de 50 ans, estimant que "depuis que le président est arrivé, ils l'ont humilié, ils n'ont pas accepté un président issu des provinces", en référence à l'ex-instituteur en zone rurale pendant 24 ans, novice en politique.
Le président élu du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva a estimé "toujours regrettable qu'un président démocratiquement élu subisse un tel sort", mais il s'est félicité que "tout a été mené dans le cadre constitutionnel".
Le gouvernement espagnol et le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro ont dénoncé une "rupture de l'ordre constitutionnel" dans les tentatives de M. Castillo, Madrid se félicitant "du rétablissement de la normalité démocratique".
L'Union européenne a appelé dans un communiqué "tous les acteurs à entamer un dialogue permettant de garantir la stabilité".
De son côté, le secrétaire-général de l'Onu Antonio Guterres a appelé "les parties à respecter l'Etat de droit, à garder le calme et à éviter des actes pouvant aggraver les tensions".
J.Fuchs--HHA