Face aux frappes russes, l'Ukraine demande 800 millions d'euros pour passer l'hiver
L'Ukraine dit avoir besoin de 800 millions d'euros d'aide d'urgence pour passer l'hiver et soutenir les attaques infligées par la Russie à ses infrastructures, notamment énergétiques, et la communauté internationale réunie à Paris entend l'aider.
"Bien sûr, c'est une forte somme, mais son coût est moindre que celui d'un potentiel +blackout+", a déclaré le président ukrainien dans une intervention vidéo.
Après les conférences de Lugano, Varsovie et Berlin ces derniers mois, cette rencontre, qui réunit 70 délégations de pays et organisations internationales, dont plusieurs chefs de gouvernement, se veut "pratico-pratique", a expliqué Emmanuel Macron, en présence de l'épouse de M. Zelensky et du Premier ministre ukrainien Denys Chmygal.
"Ce qui est très important pour nous, ce sont les équipements de haute tension, comme des transformateurs (...), parce qu'ils sont parmi les cibles les plus prisées" des forces russes, a expliqué dans un entretien à l'AFP le ministre ukrainien de l'énergie Guerman Halouchtchenko.
L'objectif est de neutraliser la stratégie mise en oeuvre depuis octobre par Moscou de bombarder les infrastructures, notamment énergétiques pour faire souffrir la population ukrainienne et affaiblir la résistance pendant l'hiver.
"La Russie, dont les faiblesses au plan militaire ont éclaté au grand jour, a opté pour une stratégie cynique", a déploré M. Macron, répétant que ces frappes russes constituaient "des crimes de guerre" qui ne resteraient "pas impunis".
- Sécurisation de Zaporijjia -
Les intervenants de la conférence sont concentrés sur cinq domaines fondamentaux - l'énergie, l'eau, l'alimentation, la santé et les transports - pour permettre à l'Ukraine de conserver des infrastructures essentielles en état de marche.
Ces efforts s'ajoutent au soutien crucial en équipement militaire fourni par les Occidentaux, Etats-Unis en tête. L'Ukraine continue de demander à cor et à cri encore plus d'armes, après avoir jusqu'ici progressivement refoulé l'armée russe.
"La situation du système énergétique ukrainien reste difficile, le déficit électrique reste significatif. La dégradation météorologique (vent fort, gel, neige lourde, givre sur les câbles) affecte négativement les conditions de distribution et complique le travail des équipes de réparation", a fait savoir mardi matin l'entreprise ukrainienne Ukrenergo.
Emmanuel Macron a annoncé pour début 2023 une aide supplémentaire française de 76,5 millions d'euros pour passer l'hiver. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock a, elle, indiqué que Berlin allait débourser 50 millions d'euros.
"On peut accélérer notre soutien", a lancé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, rappelant que l'UE s'était engagée à fournir à Kiev une assistance macro-financière de 18 milliards d'euros durant l'année 2023.
La Commission européenne va notamment financer l'achat de 30 millions d'ampoules LED au profit de l'Ukraine, nettement moins gourmande en énergie, dans une initiative à laquelle d'autres pays pourront se joindre.
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) va envoyer des missions pour "sécuriser" cinq centrales nucléaires d'Ukraine, y compris celle de Zaporijjia, occupée par l'armée russe, a indiqué, en marge de la conférence Denys Chmygal après une rencontre à Paris avec le gendarme mondial du nucléaire, Rafael Grossi. Cet accord devra "impliquer la partie russe évidemment", a déclaré ce dernier.
- La Chine, grande absente -
La Chine est la grande absente de la réunion de Paris. En revanche, des ambassadeurs des pays du Golfe et de l'Inde sont présents, ou encore Hun Sen, le Premier ministre cambodgien qui a exprimé sa "sincère appréciation" des "efforts actifs" d'Emmanuel Macron et ses "initiatives de dialogue" pour la résolution du conflit.
Les déclarations récurrentes du président français sur d'éventuelles négociation de paix à venir hérissent une partie de ses alliés, notamment en Europe de l'Est, qui les jugent trop complaisantes avec Moscou.
Après la réunion du matin au ministère des Affaires étrangères, la conférence se poursuivra au ministère de l'Economie.
Il s'agit de mobiliser les entreprises françaises pour la reconstruction, en présence de quelque 500 sociétés françaises, des mastodontes du CAC 40 jusqu'aux start-up du numérique.
- Reconstruction -
"La destruction est telle qu'il faut un soutien extrêmement fort, pas seulement humanitaire, il faut qu'on investisse dans un effort de reconstruction", a déclaré dans un message vidéo le Secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
Bien qu'il n'y ait ni cessez-le-feu, ni même perspective de fin de la guerre, "les Ukrainiens ont demandé à parler de reconstruction", a fait valoir l'Elysée.
Lundi, le président ukrainien a réitéré son plan de paix en 10 points présenté mi-novembre. Le Kremlin a répondu mardi que Kiev devait céder les territoires dont la Russie revendique l'annexion avant toute négociation diplomatique.
Interrogé sur une possible bataille entre les Etats-Unis et les Européens pour l'obtention de marchés liés à la reconstruction, le secrétaire adjoint américain de l'énergie, David Turk, a encouragé à poursuivre l'élan de solidarité et souligné les besoins immenses.
"Nous devons simplement maintenir cette solidarité (...) nous pouvons tous apporter quelque chose de différent", a-t-il dit à l'AFP. "Il y a de nombreuses opportunités pour nous tous".
L.Keller--HHA