Pérou: l'ex-président jure qu'il ne renoncera "jamais", les manifestations continuent
Le président destitué Pedro Castillo, incarcéré depuis le 7 décembre, a lancé devant la justice qu'il ne renoncera "jamais" et appelé les forces de sécurité à "déposer les armes" face aux manifestations qui se poursuivent et qui ont fait 7 morts depuis dimanche au Pérou.
"Je ne renoncerai jamais et n'abandonnerai pas cette cause qui m'a amené ici. J'exhorte les forces armées et la police nationale à déposer les armes et à cesser de tuer ce peuple qui a soif de justice", a-t-il déclaré lors de l'audience d'appel de son placement en détention provisoire diffusée à la télévision.
"Je suis détenu de manière injuste et arbitraire, je ne suis ni un voleur, ni un violeur, ni un corrompu ou un voyou", avait-il dit peu avant dans une brève déclaration.
- Pas de train pour le Machu Picchu -
Les manifestations demandant la libération de M. Castillo, la démission de la nouvelle présidente Dina Boluarte - ex-vice-présidente de Castillo et issue du même parti radical de gauche que lui - et la dissolution du Parlement, se poursuivaient mardi avec de nombreuses routes bloquées dans 13 des 24 régions, selon un bilan de la police.
La partie sud du pays, avec la région touristique de Cuzco et la deuxième ville plus grande ville Arequipa, et celle au nord sont les zones les plus touchées alors que le centre avec la capitale Lima est préservé, selon le même rapport.
En raison d'appels à manifester, le transport par voie ferré entre Cuzco et la citadelle inca du Machu Picchu, le joyau touristique du Pérou, a été suspendu, a annoncé l'opérateur.
L'aéroport de Cuzco a été fermé pendant la nuit à cause de la présence de manifestants qui tentaient de pénétrer dans les installations.
A Lima, la situation était calme mardi matin après des affrontements en soirée avec la police qui a utilisé du gaz lacrymogène pour disperser des centaines de manifestants qui tentaient de se rendre au Parlement.
Parallèlement, des organisations paysannes et indigènes, soutenant le président destitué, ont appelé à une grève d'une durée "illimitée" à partir de mardi mais il était encore difficile en milieu de journée d'en quantifier l'ampleur.
Cinq personnes ont été tuées lundi, dont quatre à Chincheros et Andahuaylas, dans la région d'Apurimac (sud). Deux manifestants étaient déjà morts dimanche dans cette région, où est née la nouvelle présidente.
- Etat d'urgence -
L'autre décès de lundi est survenu à Arequipa (sud), la deuxième ville du Pérou, lorsque la police est intervenue pour chasser de l'aéroport des centaines de manifestants qui avaient installé des barricades en feu sur la piste.
Sous pression, Mme Boluarte avait annoncé dimanche soir vouloir avancer les élections générales de 2026 à 2024. Samedi, elle avait formé un gouvernement au profil indépendant et technique, avec un ancien procureur, Pedro Angulo, comme Premier ministre. Ces annonces n'avaient cependant pas apaisé les tensions.
Le nouveau gouvernement a déclaré lundi l'état d'urgence pour 60 jours dans sept provinces de la région d'Abancay (Sud). Les 26 préfets régionaux, nommés par le gouvernement de M. Castillo, ont été relevés lundi de leurs fonctions au motif qu'ils "incitaient à manifester".
Le 7 décembre, M. Castillo, 53 ans, avait ordonné la dissolution du Parlement mais n'avait pas été suivi par l'armée et les parlementaires avaient peu après voté, à une large majorité, sa destitution pour "incapacité morale".
Arrêté quelques heures plus tard, Pedro Castillo est poursuivi par le Parquet pour "rébellion" et "conspiration et a été placé jeudi en détention provisoire pour sept jours.
Mardi, le président du Mexique Andres Manuel Lopez Obrador, qui a offert l'asile à M. Castillo qui en avait fait la demande, a estimé que "Pedro Castillo est toujours le président" du Pérou car il a été élu démocratiquement.
Avant sa tentative raté de dissoudre le parlement, les procureurs avaient déjà accusé M. Castillo d'être à la tête d'une "organisation criminelle".
Il fait l'objet d'enquêtes pour entrave à la justice dans le cadre du limogeage du ministre de l'Intérieur (qui avait autorisé l'arrestation de certains de ses alliés), trafic d'influence dans des affaires de promotions militaires ou d'achat d'essence, corruption dans des concessions de travaux publics, ainsi que pour plagiat de sa thèse universitaire.
Plusieurs analystes consultés par l'AFP considèrent que le système judiciaire péruvien est indépendant.
W.Taylor--HHA