Tunisie: faible mobilisation pour l'élection d'un Parlement sans vrais pouvoirs
Les Tunisiens étaient peu mobilisés samedi pour renouveler leur Parlement, lors d'un scrutin boycotté par la majorité des partis, qui marque la dernière étape de la mise en place du système hyper-présidentialiste voulu par le chef d'Etat Kais Saied, après son coup de force de juillet 2021.
Aussi bien à Tunis qu'en région, l'affluence paraissait très réduite pour ce premier tour de législatives où sont convoqués 9 millions d'électeurs, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Selon le réseau d'observateurs de l'ONG Mourakiboun, seulement 5,6% des inscrits s'étaient déplacés à 13H00 (12H00 GMT) jusqu'aux bureaux de vote, ouverts jusqu'à 17H00 GMT.
La participation s'annonce encore plus faible que les maigres 30,5% de votants lors du référendum organisé cet été par M. Saied pour réviser la Constitution.
Pourtant, le président était sorti de son Palais de Carthage dès l'ouverture à 07H00 GMT des bureaux, pour voter et lancer un appel à l'électorat.
"C'est une opportunité historique de retrouver vos droits légitimes", "nous avons rompu avec ceux qui ont ruiné le pays", a-t-il dit.
M. Saied a imposé un mode de scrutin uninominal à deux tours qui marginalise de facto les partis politiques.
Ces derniers boycottent donc le scrutin, en premier lieu son ennemi juré, le mouvement d'inspiration islamiste, Ennahdha, au coeur du jeu politique pendant 10 ans.
Autre facteur alimentant la désaffection : les candidats (1.055), pour moitié enseignants ou fonctionnaires de niveau intermédiaire, sont en grande majorité inconnus et novices en politique, et moins de 12% sont des femmes dans un pays très attaché à la parité.
- "fatigué des élections" -
Salima Bahri, étudiante de 21 ans, rencontrée par l'AFP en banlieue de Tunis, n'ira pas voter: "il n'y a pas de choix à faire en l'absence de partis politiques ! ", dit-elle.
En province, l'atmosphère était tout aussi morose.
Selon les correspondants de l'AFP, la plupart des électeurs présents étaient âgés.
A Kasserine (centre-est), région déshéritée proche de Sidi Bouzid où avait éclaté la Révolution de 2011, Abed Jabbar Boudhiafi, 59 ans, a voté "par devoir électoral" en espérant que "cela changera la situation politique et économique", tout en se disant "fatigué des élections".
Mohammed Jraidi, 40 ans, boude les urnes: "je ne voterai pour personne. Je n'ai pas confiance dans la classe politique. Ils ont fait de nous des cobayes pour toutes sortes d'élections alors que ça va de mal en pis sur le plan économique et social".
L'Assemblée des députés (après un second tour organisé d'ici à début mars) aura des prérogatives très limitées en vertu de la nouvelle Constitution adoptée en juillet dernier.
Le Parlement ne pourra pas destituer le président et il lui sera pratiquement impossible de censurer le gouvernement. Il faudra dix députés pour proposer une loi et le président aura la priorité pour faire adopter les siennes.
- "Légitimité faible" -
"Ce vote est une formalité pour parachever le système politique imposé par Kais Saied et concentrer le pouvoir entre ses mains", explique à l'AFP le politologue Hamza Meddeb.
"Les Tunisiens savent que le Parlement sera dénué de tout pouvoir", estime-t-il.
La principale préoccupation des 12 millions de Tunisiens reste la cherté de la vie, avec une inflation de près de 10% et des pénuries récurrentes d'aliments.
La puissante centrale syndicale UGTT a jugé ces législatives inutiles.
Pour l'analyste Hamish Kinnear, du cabinet Verisk Maplecroft, "même si la légitimité démocratique des élections législatives est faible", la mise en place d'un Parlement permettra "un retour à une plus grande prévisibilité politique" et facilitera pour la Tunisie l'obtention de l'aide des bailleurs de fonds étrangers.
Il y a urgence car les caisses du pays sont vides.
Et le FMI vient de reporter à début janvier son feu vert définitif pour octroyer à la Tunisie un prêt d'environ 2 milliards de dollars, faute, pour les autorités, d'avoir bouclé leur dossier à temps.
U.M.Thomas--HHA