Législatives aux Fidji: aucune majorité claire, tous les votes comptabilisés
Les îles Fidji sont dans une impasse: les résultats définitifs des élections législatives publiés dimanche ne permettent pas de départager le Premier ministre sortant Frank Bainimarama de son rival politique Sitiveni Rabuka, la majorité parlementaire reste en jeu.
Égalité parfaite. Le parti de M. Bainimarama, Fiji First, et la coalition menée par M. Rabuka devraient obtenir chacun 26 sièges au sein du Parlement qui en compte 55, selon le décompte officiel des votes du scrutin de mercredi publié sur internet par le Bureau électoral fidjien.
Ces résultats sans vainqueur viennent clôturer une campagne mouvementée marquée par des accusations de fraude et des appels à l'intervention de l'armée par M. Rabuka.
L'objectif des deux candidats est désormais de conclure en premier une alliance avec le parti social-démocrate, à qui les estimations accordent les trois derniers sièges décisifs.
Le défi s'annonce ardu car son dirigeant, le très religieux Viliame Gavoka, ancien président de l'Union fidjienne de rugby, s'est brouillé avec les deux prétendants au poste de Premier ministre.
Sitiveni Rabuka, ancien chef du gouvernement âgé de 74 ans, deux fois putschiste, s'oppose au Premier ministre sortant Frank Bainimarama, 68 ans, un ancien chef militaire lui aussi, porté au pouvoir par un coup d'Etat en 2006 et élu depuis à deux reprises.
M. Rabuka n'a pas revendiqué la victoire mais s'est dit dimanche confiant dans le fait d'obtenir un accord avec le parti social-démocrate et M. Gavoka, déclarant à ses soutiens: "Les générations à venir (...) regarderont cette élection et diront que c'était le tournant dans (l'histoire) des Fidji".
- Dysfonctionnements -
Plus tôt dans la semaine, des membres de l'opposition dirigée par M. Rabuka avaient demandé l'arrêt immédiat du décompte des voix et l'ouverture d'une enquête après que des problèmes dans la nuit de mercredi à jeudi ont bloqué l'affichage des résultats pendant quatre heures.
Les sociaux-démocrates s'étaient associés de cette démarche.
Le Premier ministre sortant est resté silencieux depuis le lancement du scrutin mercredi, contrairement à son rival qui a dénoncé des "anomalies" et déclaré que ce scrutin était "entouré de secret".
"Au vu de la violation substantielle du comptage, nous demandons l'arrêt immédiat du processus électoral en cours et son remplacement par un nouveau comptage manuel de tous les votes", avait dit M. Rabuka dans une lettre à l'autorité de surveillance des élections écrite jeudi et publiée samedi.
Il a été convoqué par la police vendredi puis interrogé avec le secrétaire général de son parti Sakiasi Ditoka. Aucune indication n'a été fournie sur d'éventuelles charges à leur encontre.
"Cette façon dont le gouvernement procède, nous parlons d'un climat de peur. C'est comme ça qu'ils instillent la peur", avait affirmé M. Rabuka plus tard à l'AFP, estimant que cette manœuvre était une stratégie d'intimidation du gouvernement.
- Pas d'irrégularité -
"En fonction de l'annonce des résultats dimanche, on pourrait voir plus de critiques du processus électoral ou de recours au système judiciaire pour tenter de conserver une chance de pouvoir", avait prévenu Lucy Albiston de l'Institut de stratégie politique australien.
Ce vote était perçu comme un test pour la jeune et fragile démocratie fidjienne et revêt une dimension internationale conséquente: Frank Bainimarama est plutôt proche de Pékin, tandis que Sitiveni Rabuka et Viliame Gavoka aimeraient s'en éloigner.
"Je sais que les îles Salomon sont allées faire ce (pacte) de sécurité avec les Chinois", a déclaré dimanche M. Gavoka à la presse, en référence au texte signé cette année par cet autre archipel qui a suscité des craintes concernant la présence militaire chinoise dans la région. "Nous ne ferons pas ça. Nous irons avec nos partenaires traditionnels, l'Australie et la Nouvelle-Zélande."
Près d'une centaine d'observateurs internationaux ont surveillé l'élection sans déceler d'irrégularité, précisant que les problèmes d'affichage du décompte des voix ne signifiaient pas que le système de comptage lui-même ait été corrompu.
Le chef de file du parti travailliste de Fidji Mahendra Chaudhry, un ancien Premier ministre, a également dénoncé samedi des fraudes électorales, des accusations balayées par le superviseur du scrutin Mohammed Saneem qui a souligné que M. Chaudhry n'avait pas de preuves.
Quatre Premiers ministres ont été renversés par des coups d'Etat ces 35 dernières années, dont certains conduits par les actuels candidats au poste de chef de gouvernement.
Ch.Brandes--HHA