Pérou: les autorités espèrent un apaisement des manifestations
Les autorités péruviennes espéraient lundi un apaisement des protestations violentes qui ont éclatées après la destitution du président Pedro Castillo, les Etats-Unis appelant de leur côté à entreprendre une réforme des institutions.
"Les mesures que nous avons prises fonctionnent (...) La violence des personnes qui ont manifesté dans les rues diminue", a dit le Premier ministre Pedro Angulo dimanche à la télévision.
Les manifestants exigent la libération de Pedro Castillo, la démission de celle qui lui a succédé, Dina Boluarte, qui a déjà annoncé qu'elle ne partirait pas, la dissolution du Parlement et des élections générales immédiates.
Le Parlement doit d'ailleurs voter à nouveau ce mardi 20 décembre sur le projet d'avancer les élections de 2026 à 2023, qui n'avait pas obtenu la semaine dernière les votes nécessaires, une mesure pourtant soutenue par 83% des citoyens et susceptible d'atténuer la crise.
Les protestations les plus violentes ont eu lieu dans la région andine du sud du Pérou, frappée par la pauvreté et où les revendications d'ordre social n'ont pas été satisfaites depuis longtemps.
Le blocage est notamment le fait d'une partie du Congrès pro-Castillo, qui souhaite que l'ex-président fasse partie d'une Assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle Constitution péruvienne. Ce qui n'a pas fait l'unanimité.
Les manifestations avaient éclaté après que M. Castillo a tenté de dissoudre le Parlement le 7 décembre et de gouverner par décret.
Dans un message télévisé, Mme Boluarte, ancienne vice-présidente de M. Castillo a déploré ces mouvements qui ont viré à l'affrontement faisant au moins 20 morts et 646 blessés, dont 356 civils et 290 policiers.
Certains décès sont liés à des heurts avec des militaires, autorisés à intervenir pour maintenir la sécurité intérieure dans le cadre de l'instauration de l'état d'urgence pour une durée de 30 jours.
- Lancer les réformes nécessaires -
Dimanche soir, le département d'Etat américain avait fait état d'un entretien téléphonque entre le secrétaire d'Etat Antony Blinken et Mme Boluarte.
Lors de cet entretien, le 16 décembre, M. Blinken "a encouragé les autorités civiles et les institutions du Pérou à redoubler d'efforts pour lancer les réformes nécessaires et protéger la stabilité démocratique"
Le secrétaire d'Etat américain a également "souligné la nécessité pour toutes les parties péruviennes de s'engager dans un dialogue constructif afin d'apaiser les divisions politiques et se concentrer sur la réconciliation".
Egalement dans un souci d'apaisement, le pape François a prié dimanche lors de son Angélus place Saint-Pierre au Vatican "pour que cesse la violence dans le pays et qu'on emprunte le chemin du dialogue afin de surmonter la crise politique et sociale qui frappe la population".
A Lima, la présidente a expliqué que si les forces armées descendaient dans la rue, "c'était pour protéger" les citoyens "parce que la situation devenait incontrôlable". Elle a dénoncé la présence de "groupes violents" organisés.
La présidente a toutefois précisé qu'elle avait dialogué avec le chef des Forces armées et qu'une enquête sur les civils morts lors des affrontements serait ouverte, puis portée devant la juridiction militaire.
Elle a également dit que le bureau du procureur s'était saisi du dossier.
Avec l'objectif de mieux gérer cette crise, Dina Boluarte a aussi annoncé dimanche à la télévision qu'elle opérerait plusieurs changements dans son gouvernement mardi, dont celui de Premier ministre, en privilégiant l'expérience politique.
Mme Boluarte, originaire d'Apurimac, l'une des zones de conflit, a prononcé une partie de son message en quechua, une langue parlée par une importante partie andine du pays.
M. Castillo, ancien enseignant de gauche issu d'un milieu rural et modeste, avait été arrêté alors qu'il tentait de rejoindre l'ambassade du Mexique pour demander l'asile.
Initialement incarcéré pour sept jours, la justice a décidé jeudi qu'il resterait en prison pendant 18 mois, jusqu'en juin 2024, afin d'être inculpé de rébellion.
Il encourt une peine de 10 ans de prison, selon le procureur Alcides Diaz, chargé du dossier.
- 200 touristes évacués -
Quelque 200 touristes bloqués dans la célèbre région du Machu Picchu en raison des manifestations ont pu être évacués samedi, a constaté l'AFP.
A bord d'un train, ils sont parvenus près de la ville de Piscacucho, dans la région de Cuzco (sud), où un énorme rocher bloquait le passage. De là, les touristes - dont des Nord-Américains et des Européens - ont marché environ deux kilomètres pour embarquer dans des bus en direction de la ville de Cuzco, qui a un aéroport international.
Le maire du village proche du Machu Picchu, Darwin Baca, avait déclaré à l'AFP que "5.000 touristes" étaient bloqués à Cuzco. L'aéroport de la ville a rouvert vendredi après-midi.
E.Borstelmann--HHA