Fermeture des universités afghanes aux femmes: "choc" et larmes
Les étudiantes afghanes sont restées incrédules mercredi devant les portes fermées de leur campus, condamnées à vivre "comme des oiseaux en cage", au lendemain de l'annonce par les talibans de l'interdiction des universités aux femmes.
"Quand j'ai vu la nouvelle sur internet (...) j'ai été choquée et surprise. J'ai fondu en larmes", a témoigné auprès de l'AFP Amini qui suit des cours pour devenir infirmière à Kunduz au nord de l'Afghanistan.
La jeune femme espérait grâce à ses études apporter un soutien financier à sa nombreuse famille, mais la décision mardi soir des autorités talibanes d'interdire les universités publiques et privées aux filles pour une durée indéterminée, a douché ses espoirs d'une vie meilleure après 20 ans de guerre.
L'étudiante de 23 ans se trouvait avec ses trois sœurs, dont les plus jeunes ont déjà été interdites d'école secondaire sur décision des talibans, quand la nouvelle est tombée.
"Nous nous sommes toutes senties comme des oiseaux en cage, nous nous sommes serrées les unes contre les autres, nous avons crié et pleuré en nous demandant pourquoi cela nous arrivait", a ajouté Amini, la voix nouée par l'émotion.
Avec les interdictions de fréquenter les écoles secondaires (collèges et lycées), puis les universités, la scolarité des filles afghanes s'arrête désormais aux alentours de 12 ans en Afghanistan.
- 'Analphabétisme' -
A Kaboul où sont implantées les plus grandes universités du pays, des groupes de jeunes femmes, vêtues d'abaya et voiles noirs, comme l'imposent les talibans, étaient rassemblées devant les établissements dans l'espoir de passer de derniers examens ou pour étudier dans les bibliothèques.
Certaines facultés étaient elles déjà fermées en raison des vacances d'hiver qui s'achèvent en mars.
Selon un gardien, certaines étudiantes n'étaient pas au courant de leur exclusion. Dès leur arrivée, les talibans les ont prévenues qu'elles n'avaient pas le droit de parler aux journalistes, ont expliqué des jeunes femmes à l'AFP.
"J'ai été vraiment choqué", explique un étudiant en droit, rencontré sur un trottoir de Kaboul, le visage blême, demandant l'anonymat de peur des représailles de la part des talibans qui dès l'aube quadrillaient les rues aux alentours des universités de la capitale Afghane.
"Ma sœur étudie l'informatique, je ne l'ai pas informée hier soir car je savais que cela la traumatiserait", poursuit l'étudiant de 20 ans, très en colère contre cette interdiction.
Cette interdiction "exprime vraiment l'analphabétisme et la faible connaissance de l'islam et des droits de l'Homme", s'emporte-t-il.
- 'Tout perdu' -
Somma qui utilise un nom d'emprunt résume de son côté les sombres options qui restent aux femmes: "nous n'avons aucun pouvoir pour faire quoi que ce soit et il n'y a personne pour nous écouter", déplore l'étudiante de 29 ans, inscrite dans un master de littérature pachtoune à Kaboul.
"Nous ne pouvons pas protester, nous sommes sans espoir à tous les niveaux de notre vie, nous sommes condamnées. Nous n'avons pas de travail, nous ne pouvons aller nulle part, et nous ne pouvons pas quitter le pays. Nous avons tout perdu", se lamente-t-elle.
Les talibans ont multiplié les mesures liberticides ces derniers mois, en particulier à l'encontre des femmes qui sont également bannies de la plupart des emplois publics ou payées une misère pour rester à la maison, non autorisées à voyager seules en dehors de leur ville. Depuis peu, elles sont aussi exclues des parcs et jardins.
Abasourdie, Somma s'accroche encore à l'espoir que les talibans reviennent sur leur décisions après les vacances d'hiver.
"Si les universités ne rouvrent vraiment pas, les parents doivent arrêter d'envoyer leurs garçons à l'école en signe de protestation. Ils doivent eux aussi rester à la maison", lance-t-elle avec bravoure.
R.Weber--HHA