Promesse d'humanité, message de fermeté: Biden joue les équilibristes face à la crise migratoire
"Ne venez pas à la frontière" sans avoir lancé auparavant une procédure légale: Joe Biden a tenté jeudi de faire passer un message conjuguant fermeté et humanité face aux arrivées record de migrants à la frontière avec le Mexique, un sujet politiquement périlleux pour le président américain.
Le démocrate a promis de réparer un système d'immigration "cassé", dans un discours à la Maison Blanche, tout en reconnaissant que ce problème "difficile" ne serait pas résolu "du jour au lendemain".
Joe Biden se rendra dimanche, pour la première fois après deux années au pouvoir, à la frontière sud des Etats-Unis, plus précisément à El Paso, au Texas.
Il ira ensuite à Mexico, et a d'ores et déjà fait savoir que le "renforcement de la frontière" serait au coeur de ses discussions avec son homologue Manuel Lopez Obrador, qui entretient avec son grand voisin des relations parfois très fraîches.
Le président s'est livré jeudi à un exercice d'équilibriste.
Il a d'un côté fustigé les républicains "extrêmes", les accusant de "démagogie" face à la crise migratoire, et leur reprochant de bloquer ses demandes de financement pour faire face au problème.
"Nous pouvons sécuriser notre frontière et réparer la politique d'immigration pour qu'elle soit ordonnée, sûre, et humaine, nous pouvons faire tout cela sans éteindre la flamme de la liberté qui a fait venir en Amérique des générations d'immigrés", a-t-il lancé.
Mais son administration n'en a pas moins annoncé de "nouvelles conséquences" pour les migrants qui franchiront illégalement la frontière: les Etats-Unis auront plus souvent recours à des expulsions immédiates, assorties d'une interdiction de nouvelle entrée sur le territoire pendant cinq ans.
Plus de 230.000 arrestations ont encore été enregistrées en novembre à la frontière sud des Etats-Unis, un niveau record.
La Maison Blanche a toutefois aussi fait savoir que jusqu'à 30.000 migrants qualifiés seraient au contraire autorisés chaque mois à entrer aux Etats-Unis en provenance de Cuba, Haïti, du Nicaragua et du Venezuela, les quatre pays d'où viennent en majorité les migrants.
Ces arrivées devront toutefois se faire par avion pour ne pas ajouter à la charge de travail des gardes-frontières au sol, et dans le cadre d'un processus légal.
- 800 morts -
De larges pans de l'économie américaine, notamment dans l'agriculture, dépendent de la main d'oeuvre immigrée, mais le système migratoire est aujourd'hui au bord de la rupture.
Les migrants, soucieux d'échapper à la pauvreté ou à la violence dans leurs pays d'origine, prennent souvent d'énormes risques pour entrer sur le sol américain.
Plus de 800 personnes sont mortes lors de l'année fiscale, en grande partie noyée dans le fleuve Rio Grande, selon un responsable des gardes-frontières cité par la radio NPR.
Ces flux exercent également des pressions sur les localités frontalières, dont les infrastructures peinent à accueillir ces migrants dans des conditions décentes.
Face aux critiques constantes de son opposition, mais aussi des associations de défense des migrants, Joe Biden, qui envisage de briguer un second mandat, semble donc enfin décidé à s'emparer du sujet.
Pour l'instant, son administration s'est surtout contentée de renvoyer les migrants vers le Mexique en s'appuyant sur une mesure mise en place par son prédécesseur républicain Donald Trump pendant la pandémie.
Au nom de la crise sanitaire, elle permet de refouler immédiatement tout étranger clandestin intercepté à la frontière, y compris les potentiels demandeurs d'asile.
Cette mesure, baptisée "Title 42", fait l'objet d'une intense guérilla judiciaire dont l'épilogue sera connu en juin à la Cour suprême des Etats-Unis.
L'administration Biden, consciente qu'une levée de cette mesure encouragera encore davantage les candidats à l’immigration, réclame des fonds pour recruter du personnel à la frontière ainsi que des juges spécialisés dans le droit d'asile.
E.Steiner--HHA