Au lendemain de leur grâce par le Mali, 46 soldats ivoiriens retournent dans leur pays
Quarante-six soldats ivoiriens détenus au Mali depuis près de six mois et condamnés à 20 ans de prison étaient attendus samedi à Abidjan au lendemain de la grâce qui leur a été accordée par le chef de la junte malienne Assimi Goïta.
La libération de ces soldats accusés par le Mali d'être des "mercenaires" venus le déstabiliser et arrêtés le 10 juillet 2022 à l'aéroport de Bamako, était exigée depuis le début par la Côte d'Ivoire qui, avec l'ONU, a affirmé qu'ils devaient participer à la sécurité du contingent allemand des Casques bleus dans ce pays sahélien secoué par les violences.
Cette affaire a provoqué de vives tensions entre deux "pays frères" et voisins aux relations déjà compliquées: le Mali avait accusé la Côte d'Ivoire d'avoir incité ses partenaires ouest-africains à durcir les sanctions contre les militaires auteurs de deux coups d'Etat, en août 2020 puis en mai 2021, sanctions finalement levées début juillet.
Le pouvoir malien dominé par les colonels putschistes a érigé cette affaire en manifestation de la souveraineté qu'il a posé en principe cardinal vis-à-vis de la France, poussée vers la sortie neuf ans après le lancement de son intervention contre les groupes jihadistes, de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) et même de la Mission de stabilisation de l'ONU (Minusma).
L'avion transportant les 46 soldats a quitté Bamako vers 17H00 (locales et GMT), selon des sources aéroportuaire et diplomatique.
Avant leur retour à Abidjan, ils doivent transiter par Lomé où le président togolais Faure Gnassingbé les remettra officiellement au ministre ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara, qui les ramènera dans leur pays.
Le président Gnassingbé, qui s'est "réjoui" dans un tweet de la grâce accordée aux soldats, a joué un rôle décisif en vue de leur libération et tant les autorités maliennes qu'ivoiriennes ont tenu à rendre hommage à sa médiation.
- "Ouf de soulagement" -
A Abidjan, les soldats seront accueillis au pavillon présidentiel de l'aéroport "en présence des plus hautes autorités", selon la présidence, parmi lesquelles devrait figurer le chef de l'Etat lui-même, Alassane Ouattara.
Ils ont été condamnés le 30 décembre à 20 ans de réclusion criminelle par un tribunal de Bamako, trois femmes soldats libérées en septembre ayant quant à elles été condamnées à la peine de mort par contumace.
Tous avaient été déclarés coupables d'"attentat et complot contre le gouvernement", "atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat", "détention, port et transport d'armes et de munitions de guerre (...) ayant pour but de troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".
Vendredi soir, le gouvernement malien a annoncé que le président de transition, le colonel Assimi Goïta, avait "accordé sa grâce avec remise totale de peines aux 49 ivoiriens condamnés par la justice malienne".
Cette annonce a suivi une rencontre le 22 décembre à Bamako entre de hauts responsables maliens et ivoiriens, conclue par la signature d'un memorandum laissant notamment ouverte la possibilité d'une grâce présidentielle après une condamnation.
Depuis leur arrestation, la Côte d'Ivoire a catégoriquement nié que ses soldats aient été des "mercenaires", assurant mais qu'ils étaient en mission pour l'ONU, dans le cadre d'opérations de soutien logistique à la Minusma.
Elle les avait qualifiés "d'otages" en dénonçant le "chantage" exercé par Bamako qui exigeait notamment l'extradition de personnalités maliennes opposées à la junte, en exil à Abidjan, en échange de leur libération.
La Cédeao avait donné au Mali jusqu'au 1er janvier pour libérer les soldats sous peine de nouvelles sanctions, un ultimatum non respecté par Bamako. Toutefois, "il n'y aura pas de sanctions contre le Mali dans l'immédiat", avait déclaré mercredi le chef de l'Etat bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, président en exercice de l'organisation.
Tant à Abidjan qu'à Bamako, cette grâce a été bien accueillie par les personnes interrogées par l'AFP.
A Abidjan, Noufo Ouattara, électricien auto, a estimé qu'on doit "pardonner des deux côtés" car "les deux pays ont un lien fraternel vraiment très fort et les deux populations sont pratiquement les mêmes".
A Bamako, Zafara Ongoïba pense lui que "rien ne vaut la paix". "C'est un ouf de soulagement pour la communauté internationale, pour la communauté sous-régionale et pour tout le peuple malien et ivoirien", ajoute-t-il.
P.Meier--HHA