Pérou: des manifestants pleurent leurs morts alors que les affrontements persistent
Les manifestations antigouvernementales se poursuivent au Pérou où des veillées funèbres très suivies ont été émaillées d'affrontements avec les forces de sécurité, poussant les Etats-Unis à appeler toutes les parties à la "retenue".
Au même moment, une délégation de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) est arrivée à Lima pour évaluer "la situation des droits de l'homme dans le contexte des protestations sociales", qui ont fait au moins 40 morts depuis un mois et s'étendent à d'autres régions, notamment dans la touristique Cusco.
Sur fond de tension sociale, le parquet a ouvert mardi une enquête pour "génocide" présumé à l'encontre de la présidente Dina Boluarte, qui a imposé un couvre-feu dans la la région aymara (peuple amérindien) de Puno pour juguler les manifestations violentes qui, rien qu'entre lundi et mardi, ont fait 17 morts parmi les civils et un policier brûlé dans sa voiture de patrouille, selon l'institution.
L'épicentre des protestations se trouve dans cette région à la frontière avec la Bolivie, où des milliers d'habitants ont marché mercredi dans les rues de Juliaca, à 1.300 km au sud de Lima, avec les cercueils des 17 victimes civiles.
Dans le cortège, les scènes de colère et de douleur se multiplient alors que les gens commencent à faire leurs adieux à leurs morts et promettent de poursuivre le combat jusqu'à obtenir la démission de ce qu'ils considèrent comme un gouvernement illégitime.
- Deuil et couvre-feu -
Le Pérou a déclaré un deuil national mercredi en l'honneur des morts dans la région de Puno, où un couvre-feu nocturne de trois jours est en vigueur pour tenter de contenir les protestations.
Les barrages routiers se sont étendus à huit des 25 régions du pays, touchant Tacna, Moquegua, Puno, Cusco, Apurimac, Arequipa, Madre de Dios et Amazonas, selon les autorités péruviennes.
Dans la ville touristique de Cusco, ancienne capitale de l'empire inca, des affrontements entre des centaines de manifestants et la police ont fait 22 blessés, dont six policiers, l'un d'entre eux se trouvant dans un état grave, a indiqué le ministère de la Santé.
A Arequipa, la deuxième ville du Pérou, des centaines de personnes ont également manifesté contre le gouvernement.
A Tacna, à la frontière avec le Chili, une grève illimitée a débuté, marquée par des épisodes de vandalisme tels que l'incendie de cabines de péage et la tentative de pillage d'un centre commercial.
La région de Puno a entamé il y a une semaine une grève illimitée pour réclamer la démission de Mme Boluarte, des élections présidentielles et législatives immédiates et la convocation d'une Assemblée constituante.
Les gouvernements régionaux de Puno et Cusco exigent la démission de Boluarte comme première étape pour résoudre la crise.
- "Modération" et droits de l'homme -
Les commissaires de la CIDH ont été reçus par Dina Boluarte au Palais du Gouvernement, siège de l'exécutif péruvien.
"Nous allons vérifier la situation des droits de l'homme. Nous regrettons les pertes en vies humaines lors des manifestations", a déclaré Edgar Stuardo Ralon, qui dirige la mission qui restera au Pérou jusqu'au 13 janvier et rencontrera les autorités, les victimes et leurs proches à Lima, Ica et Arequipa.
Mme Boluarte a été vice-présidente jusqu'au 7 décembre 2022, date de la destitution et de l'arrestation du président socialiste Pedro Castillo, accusé de tentative de coup d'Etat pour avoir voulu dissoudre le Parlement qui s’apprêtait à le chasser du pouvoir.
Selon le gouvernement, l'ancien président bolivien Evo Morales est lié aux manifestations, c'est pourquoi il lui a été interdit d'entrer au Pérou jusqu'à nouvel ordre. M. Morales, qui a dirigé la Bolivie entre 2006 et 2019, est resté actif dans la politique péruvienne depuis l'arrivée au pouvoir de l'ancien président de gauche Castillo en juillet 2021.
Les manifestations ont repris depuis une semaine après une trêve de fin d'année. La plupart du temps pacifiques, certaines ont dégénéré en actes violents tels que l'assaut d'aéroports et l'attaque de bâtiments publics.
La police et les forces armées ont également répondu par la violence.
Dans ce contexte, les Etats-Unis ont appelé mercredi à la "retenue" et à un usage "minimal" de la force face aux manifestants.
M.Huber--HHA