Hamburger Anzeiger - Dans l'est de l'Ukraine, la délicate collecte des corps de soldats

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Dans l'est de l'Ukraine, la délicate collecte des corps de soldats
Dans l'est de l'Ukraine, la délicate collecte des corps de soldats / Photo: Anatolii Stepanov - AFP

Dans l'est de l'Ukraine, la délicate collecte des corps de soldats

Oleksiï Ioukov et son armée de bénévoles s'activent pour récupérer les corps des soldats tués dans les combats en Ukraine, une mission délicate et périlleuse.

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Ce jour-là, ils déambulent dans une rue désertée de Dolina, à 25 kilomètres au nord-est de Sloviansk, dans la région de Donetsk, dans l'Est ukrainien.

Il y a encore quelques mois, de violents combats y opposaient Ukrainiens et Russes, avant que ces derniers ne se retirent à la fin de l'été.

Le corps d'un soldat russe gît dans le sous-sol d'une petite maison, laissé là lors de la retraite des troupes de Moscou. Il n'a été découvert que récemment par des habitants.

Entouré de ses bénévoles, Oleksiï Ioukov leur indique précisément la démarche à suivre, car dans les zones libérées, mines, munitions non-explosées et pièges peuvent encore faire des victimes.

Lui a été gravement blessé en septembre. Alors qu'il récupérait le corps d'un soldat ukrainien, il avait entendu le cliquetis d'une mine sur laquelle il venait de poser le pied.

Il avait plongé sur le côté, mais pas assez rapidement pour en sortir indemne. Il a perdu un oeil dans l'explosion et sa jambe a été criblée de 18 fragments métalliques.

Cette blessure ne l'a pas tenu éloigné longtemps des zones de combat. Trois semaines plus tard, il est revenu, en béquilles.

"Il n'y a pas de temps à perdre: les animaux et la nature consomment déjà les corps. Et si on ne se presse pas, on n'arrivera pas à ramener tous nos soldats à la maison", dit-il.

Oleksiï Ioukov avait lancé son organisation à Sloviansk au début des années 2010, dans l'idée de retrouver des restes de soldats tués lors des deux Guerres mondiales.

Mais, poussé par le conflit en cours dans la région depuis 2014, il est désormais à la recherche de corps de soldats ukrainiens ou russes, un projet baptisé "Tulipe noire".

- Risque de mines -

Il connaît ainsi très bien ce moment de tension, lorsque le corps est là, sous les yeux, mais qu'il faut prendre d'importantes précautions pour éviter de se faire surprendre.

"On regarde sous nos pieds et on lève la main si on voit quelque chose de suspect", explique-t-il à quatre de ses hommes, devant la maison ravagée dans laquelle se trouve le corps.

"Avant que je vérifie que tout est OK, personne n'avance", dit-il encore.

Les équipes de déminage sont déjà passés dans la maison et autour, mais le risque d'un explosif sous le corps existe toujours. Selon Oleksiï, le cadavre est là depuis l'été dernier.

Avant de le soulever, un bénévole prend soin d'attacher avec des sangles les restes du corps décomposé.

L'équipe entière se rapproche ensuite, enjambant les tas de débris formés à partir de briques enchevêtrées ou autres morceaux de bois.

"Un, deux, trois, hop !", ordonne Oleksiï. D'un coup ses hommes tirent fort sur les sangles.

"Stop!", lance-t-il, le regard concentré. Tous attendent silencieusement un éventuel bruit suspect trahissant un danger.

- "Crucial" -

Une fois le risque de tomber sur une mine passé, l'équipe de la Tulipe Noire transporte le corps à l'extérieur de la maison.

Oleksiï cherche tout indice --une croix, une bague, une montre-- qui pourrait aider à déterminer l'identité du soldat tué.

"On traite tous les morts de la même façon", assure-t-il. Il relève que récupérer les corps des soldats russes est "crucial" car ils pourraient ensuite être échangés contre ceux d'Ukrainiens tombés dans les zones sous occupation russe.

Dans la perspective d'une telle opération, "c'est important de trouver des documents d'identité", insiste Artour Simeïko, 26 ans. "Cela nous motive".

Après avoir fermé le sac mortuaire, le jeune bénévole note dessus le chiffre "298", soit le nombre de corps de soldats russes retrouvés par l'équipe depuis avril dernier.

Depuis l'arrivée de l'hiver, le sol gelé rend difficile les opérations de déminages, mais cela n'a pas entamé la motivation d'Oleksiï et de ses hommes.

Pour le frère d'Artour, Andriï, 21 ans, chaque mission est une source de fierté.

"On n'a pas peur des corps. Ils sont déjà morts, ils ne vont rien nous faire", affirme-t-il.

Une fois la dépouille embarquée, les voilà déjà partis en direction d'un nouveau site où un autre corps a été découvert, mais cette fois-ci, des grenades et des mines antipersonnelles ont été repérées sur place.

R.Hansen--HHA