Retraites: plus d'un million de Français dans la rue contre la réforme
Plus d'un million de manifestants, des grèves à l'école ou dans les transports: les syndicats ont réussi jeudi à fortement mobiliser contre la réforme des retraites et sa mesure phare, le report à 64 ans de l'âge légal de départ.
"Plus de deux millions" de personnes ont manifesté dans plus de 200 cortèges en France, dont environ 400.000 à Paris, a affirmé la CGT, tandis que le ministère de l'Intérieur a compté 1,12 million de manifestants, dont 80.000 dans la capitale.
Un niveau de mobilisation supérieur à celui du 5 décembre 2019: au démarrage de la contestation contre le précédent projet de réforme des retraites, la police avait dénombré 806.000 manifestants en France, la CGT 1,5 million.
"La retraite avant l'arthrite", "métro, boulot, caveau"... De Calais à Nice, des cortèges bien garnis ont affiché un "non" au recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, sur fond de large mécontentement social dans un contexte d'inflation.
Les cortèges réunissaient beaucoup de travailleurs du public ou du privé craignant d'être "usés" ou "cassés" à 64 ans, comme Nathalie Etchegaray, 48 ans, assistante maternelle à Orléans. "Ça fait 25 ans que je travaille, je n'avais encore jamais fait grève. Le déclencheur c’est de voir nos collègues plus âgées qui ont mal partout. Elles ont des sciatiques, des maux de dos, des tendinites aux coudes à force de porter les bébés".
"Je travaillais en blanchisserie, mais j'ai eu des problèmes au niveau de mes bras et j'ai été licenciée pour inaptitude, je faisais tendinite sur tendinite et après j'ai eu un accident du travail. (...) 64 ans, je trouve ça débile, à cet âge, on n'a plus les mêmes réflexes qu'à 20 ans", explique à Paris Catherine Dubé, 52 ans, demandeuse d'emploi.
Les chiffres des autorités ont rapidement attesté d'une mobilisation très importante: 36.000 personnes à Toulouse, 26.000 à Marseille, 25.000 à Nantes, 19.000 à Clermont-Ferrand, 17.000 à Rennes... Ils étaient 23.000 à Lyon, où les forces de l'ordre ont essuyé quelques jets de projectiles et procédé à 17 interpellations, selon la préfecture.
A Paris, des heurts ont éclaté entre forces de l'ordre et manifestants près de Bastille, avec jets de projectiles et usage de gaz lacrymogènes. Selon la préfecture de police, 38 personnes ont été interpellées.
- "Écouter les messages" -
"On est clairement sur une forte mobilisation, au-delà ce qu'on pensait", estimait le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, après les premiers cortèges en régions.
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a admis sur RTL que la mobilisation avait été "importante". Jugeant "normal" qu'une réforme des retraites "suscite des inquiétudes", il a indiqué qu'il fallait y "répondre" et "écouter les messages".
Côté usagers, ceux qui n'ont pas recours au télétravail ont dû composer avec des transports en commun au compte-goutte.
A la SNCF, qui affiche un taux de grévistes de 46,3%, la circulation était "très fortement perturbée". Le métro parisien était également "très perturbé".
De nombreux services publics étaient touchés. 28% de grévistes ont été comptabilisés dans la fonction publique d’État par leur ministère de tutelle. Les programmes de l'audiovisuel public étaient également affectés.
Dans l'éducation, le syndicat FSU a dénombré 70% d'enseignants grévistes dans les écoles et 65% dans les collèges et lycées. Le ministère chiffre pour sa part la mobilisation à 42% dans le primaire et 34% dans le secondaire. Quelques dizaines d'établissements ont été l'objet de blocus dans la matinée à Paris, Rennes, Tours et Toulouse notamment.
Le trafic a été interrompu au port de Calais, premier de France pour les voyageurs.
Côté raffineries, le mouvement a été suivi par 70 à 100% des salariés de TotalEnergies selon les sites. Les expéditions de carburants ont été bloquées, mais le travail devait reprendre vendredi matin, sauf décisions contraires lors d’éventuelles assemblées générales locales.
La direction d'EDF faisait part de 44,5% de grévistes sur ses effectifs totaux à la mi-journée.
- "Bloquer l'économie" -
Pour le leader de Force ouvrière, Frédéric Souillot "on est parti pour un conflit dur" et "il faut bloquer l'économie".
Depuis Barcelone où il participait à un sommet franco-espagnol, Emmanuel Macron a assuré de la "détermination" de l'exécutif pour faire aboutir une réforme "juste et responsable".
Cette première journée avait valeur de test pour l'exécutif comme pour les syndicats, qui se sont retrouvés à partir de 18H00 pour décider d'une nouvelle date. Le 26 janvier est sur la table.
La CGT du pétrole a d'ores et déjà exprimé son intention de se remettre en grève ce jour-là pour 48 heures, et le 6 février pour 72 heures.
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A.Wulhase--HHA