Pérou: les manifestations vont continuer, concède le ministre de l'Intérieur
Les manifestations qui secouent le Pérou depuis le 7 décembre et ont fait 46 morts "vont se poursuivre", a estimé lundi le ministre de l'Intérieur Vicente Romero à la veille d'un nouveau grand rassemblement à Lima.
"Les conflits vont se poursuivre, et nous travaillons intensivement avec le ministre de la Défense", a déclaré M. Romero à la chaîne publique TV Peru.
Il a également estimé que le pays connaissait "l'un des niveaux de violences les plus élevés depuis les années 1980" et le conflit armé entre les autorités péruviennes et les guérillas révolutionnaires du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru.
Le ministre a une nouvelle fois dénoncé le "financement des manifestations" par "un groupe minoritaire" qui "ne montre pas son visage", déplorant les quelque 540 policiers blessés. Les autorités ont accusé à plusieurs reprises les manifestants d'être "manipulés" et financés par les trafiquants de drogue et/ou les exploitations minières illégales.
Se targuant du "professionnalisme" des forces de l'ordre, il a défendu les interventions policières alors que celles-ci sont critiquées par la société civile ou à l'étranger.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les autorités ont libéré 192 des 193 personnes arrêtées samedi à l'université San Marcos, où elles étaient hébergées pour pouvoir participer aux manifestations.
Plusieurs médias locaux et des voix de la société civile avaient dénoncé cette opération controversée menée avec une irruption des policiers sur le campus, des fouilles musclées et avec des protestataires forcés à s'allonger face au sol.
L'Union européenne avait condamné samedi les violences et l'usage "disproportionné" de la force par la police pendant la crise, appelant le gouvernement "à garantir un dialogue inclusif avec la participation de la société civile et des communautés concernées".
Après une grande manifestation le 19 janvier, qui s'est soldée par des affrontements entre police et manifestants en fin de journée, le secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), Geronimo Lopez, a appelé "à une mobilisation nationale pacifique demain (mardi)".
"Le peuple a mené des luttes démocratiques pacifiques et civiques. Nous rejetons tout acte de violence et tout acte qui va à l'encontre des entités publiques ou privées. Ceux qui créent le chaos et la destruction sont des personnes infiltrées par le gouvernement", a-t-il affirmé.
Les manifestants demandent la démission de la présidente Dina Boluarte, la dissolution du Parlement et la constitution d'une Assemblée constituante.
- "Citadelle fermée" -
Les troubles ont débuté le 7 décembre après la destitution et l'arrestation du président de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir.
La crise est aussi le reflet de l'énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres qui soutenaient le président Castillo, d'origine amérindienne, et voyaient son élection comme une revanche sur ce qu'ils ressentent comme le mépris de Lima. Des milliers de protestataires venus des régions pauvres andines sont arrivés la semaine dernière pour manifester.
Lundi, 83 tronçons de route étaient encore bloqués par des manifestants dans huit des 25 régions du Pérou.
Dans la région d'Ica (environ 350 km au sud de Lima), des protestataires ont attaqué des domaines agricoles appartenant à des grandes sociétés exportatrices.
Les aéroports d'Arequipa et de Juliaca, dans le sud du pays, restaient fermés lundi, a indiqué leur opérateur, Aeropuertos Andinos del Peru. Tout comme le joyau touristique du Machu Picchu qui n'accueille plus de visiteurs depuis samedi.
"La citadelle est fermée jusqu'à ce que cette question (les protestations) soit résolue. La ligne de chemin de fer est interrompue, il n'y a aucun moyen pour les touristes de s'y rendre. Maintenant, nous ne faisons qu'assurer la maintenance et la conservation du patrimoine qui ne doit pas s'arrêter", a déclaré à l'AFP Zenobio Valencia, responsable du parc archéologique de Machu Picchu.
Une opération d'évacuation de plus de 400 touristes, bloqués depuis plusieurs jours, a dû être menée samedi, la voie de chemin de fer, seul moyen de se rendre sur le site en dehors de la marche, ayant été endommagée par des protestataires.
O.Meyer--HHA