Pérou: la présidente appelle à "une trêve nationale" avant un grand rassemblement contre elle
La présidente péruvienne Dina Boluarte a appelé mardi à une "trêve nationale" alors que les manifestations réclamant son départ et la dissolution du Parlement ne faiblissent pas et ont déjà fait 46 morts.
Une grande manifestation rassemblant des milliers de protestataires pauvres, venus des régions andines, devait avoir lieu dans l'après-midi à Lima.
"J'appelle ma chère patrie à une trêve nationale" pour "rétablir le dialogue", "fixer un agenda pour chaque région" et "développer" le pays, a-t-elle déclaré lors d'une intervention devant la presse étrangère.
"Je ne me lasserai pas d'appeler au dialogue, à la paix et à l'unité", a-t-elle ajouté, répétant presque mot pour mot une phrase déjà prononcée le 20 janvier lors d'une intervention télévisée.
- Pas "rester au pouvoir" -
"Je n'ai pas l'intention de rester au pouvoir", a-elle dit, assurant vouloir respecter la Constitution et se retirer lors des élections qui ont été avancées à 2024.
"Ma démission résoudrait-elle la crise et la violence ? Qui assumerait la présidence de la République ?", a-t-elle interrogé.
Visiblement émue, Mme Boluarte a aussi demandé "pardon pour les morts", promettant des enquêtes du Parquet pour en déterminer les auteurs. Elle a notamment assuré que des manifestants avaient été tués par des balles "dum-dum", munition qui n'est pas utilisée par la police.
Mme Boluarte s'exprimera mercredi devant l'Organisation des Etats américains (OEA) alors que la communauté internationale et des associations des défense des droits de l'Homme ont critiqué la répression, évoquant un usage "disproportionné" de la force de la part de la police et de l'armée, appelée à du maintien de l'ordre dans le cadre de l'état d'urgence.
"Je me présenterai devant l'OEA pour dire la vérité. Le gouvernement péruvien et surtout Dina Boluarte n'ont rien à cacher. Cinquante personnes sont mortes (en ajoutant les morts dus au blocage des routes, ndlr), cela me fait mal, en tant que femme, mère et fille, cela me fait mal. Demain, devant l'OEA, nous dirons la vérité", a-t-elle déclaré.
"Nous voulons tous connaître la vérité", a-t-elle précisé.
Les manifestants demandent inlassablement sa démission, la dissolution du Parlement et la création d'une Assemblée constituante.
- Attaques contre Castillo -
Les troubles ont commencé le 7 décembre après la destitution et l'arrestation du président de gauche Pedro Castillo, accusé d'avoir tenté un coup d'Etat en voulant dissoudre le Parlement qui s'apprêtait à le chasser du pouvoir.
Ancienne vice-présidente de M. Castillo, avec lequel elle été élue sur le même ticket en 2021, Mme Boluarte, a souligné qu'elle avait comme lui des origines andines.
"Ca l'arrangeait de faire ce coup d'Etat afin de se victimiser et de déplacer tout cet appareil paramilitaire et de ne pas répondre devant le procureur des actes de corruption dont il est accusé. Il n'y a pas de victime ici, M. Castillo: il y a un pays qui saigne à cause de votre irresponsabilité", a-t-elle lancé.
La crise est aussi le reflet de l'énorme fossé entre la capitale et les provinces pauvres qui soutenaient le président Castillo et voyaient son élection comme une revanche sur ce qu'elles considèrent comme le mépris de Lima.
Selon les autorités, 85 routes étaient bloquées par des barrages mardi dans neuf des 25 régions du Pérou.
Dans la région d'Ica (sud-ouest), la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour tenter de débloquer plusieurs tronçons de l'autoroute Panaméricaine toujours fermée.
X.Nguyen--HHA