Pakistan: pour la police, l'attentat de Peshawar a été commis en représailles à ses actions
L'attentat qui a fait plus de 90 morts dans une mosquée au sein du quartier général de la police de Peshawar (Nord-Ouest du Pakistan) a été commis en représailles aux opérations policières visant des groupes islamistes armés, a estimé mardi le chef de la police locale.
Environ 300 à 400 policiers étaient rassemblés lundi dans une mosquée située à l'intérieur de ce périmètre habituellement très surveillé, quand l'explosion s'est produite à l'heure de la prière de midi.
Muhammad Azam Khan, le chef du gouvernement provincial, a annoncé que le dernier bilan était de 95 morts et 221 blessés. L'immense majorité sont des policiers.
"Nous sommes sur la ligne de front" dans ce combat contre les mouvements islamistes armés "et c'est pourquoi nous avons été visés", a déclaré à l'AFP le chef de la police de Peshawar, Muhammad Ijaz Khan. "L'objectif était de nous démoraliser en tant que force" de police.
Les attaques menées par des insurgés contre des patrouilles, des barrages ou des postes de police ont augmenté à Peshawar, située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière avec l'Afghanistan, et dans les anciennes zones tribales alentour, depuis le retour des talibans au pouvoir à Kaboul en août 2021.
Elles sont principalement conduites par les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), qui ont retrouvé leur liberté de mouvement avec le départ des forces américaines d'Afghanistan, ou par l'EI-K, la branche régionale du groupe jihadiste Etat islamique (EI). Mais les attentats de grande ampleur, comme celui-ci, restent plutôt rares.
Il a ajouté qu'un groupe parfois affilié au TTP, parfois dissident, pourrait être derrière cette attaque.
Les autorités se demandent comment la sécurité de ce lieu, qui abrite aussi les locaux de différentes agences de renseignement, a pu être déjouée.
- "Perdu tout espoir" -
Des corps ont continué à être retirés mardi des décombres de la mosquée dont le toit et un mur se sont effondrés sous le souffle de l'explosion. Les secouristes ont utilisé des caméras et dispositifs d'écoute pour tenter de repérer d'éventuels survivants sous les débris.
"Je suis resté piégé sous les débris avec le corps d'un mort sur moi pendant sept heures. J'avais perdu tout espoir de survivre", a déclaré à l'AFP dans un hôpital Wajahat Ali, un policier âgé de 23 ans.
Des dizaines de policiers ont déjà été enterrés dans des cérémonies avec garde d'honneur, leurs cercueils alignés et ceints du drapeau pakistanais.
Les analystes estiment que le TTP et l'EI-K ont été enhardis par le succès des talibans. Le Pakistan reproche à ceux-ci de laisser ces groupes utiliser le sol afghan pour planifier leurs attaques, ce que Kaboul conteste.
Le TTP, un mouvement distinct de celui des nouveaux dirigeants afghans mais qui partage avec lui des racines communes, a nié être responsable de l'attentat de lundi.
Après sa création en 2007, le TTP a tué des dizaines de milliers de civils pakistanais et membres des forces de sécurité, avant d'être chassé des zones tribales par une opération militaire lancée par l'armée en 2014.
- "Un endroit sacré" -
Revenu en force ces derniers mois, il se veut moins brutal que par le passé et affirme ne plus cibler que les forces de sécurité et en aucun cas les lieux de culte.
Mais un responsable sécuritaire local ayant requis l'anonymat a indiqué à l'AFP que les autorités envisageaient toutes les éventualités, y compris l'implication d'une faction dissidente du TTP, de l'EI-K ou une attaque coordonnée de plusieurs groupes.
"Souvent par le passé, des groupes armés, dont le TTP, ont mené des attaques dans des mosquées sans les revendiquer, parce qu'une mosquée sunnite est considérée comme un endroit sacré", a-t-il également souligné.
La capitale et le reste du pays, notamment à la frontière avec l'Afghanistan, ont été placés sous alerte sécurité encore accrue après l'attaque.
"Les terroristes veulent créer la panique en ciblant ceux qui remplissent leur devoir consistant à défendre le Pakistan", a déclaré dans un communiqué le Premier ministre, Shehbaz Sharif. "Ceux qui combattent le Pakistan seront éliminés de la surface de la Terre."
A New York, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a dénoncé une attaque "abjecte" contre "un lieu de culte".
Peshawar a été ravagée par des attentats quasi quotidiens pendant la première moitié des années 2010, mais la sécurité s'y était grandement améliorée ces dernières années. Elle s'est à nouveau dégradée depuis quelques mois.
En mars 2022, un attentat suicide revendiqué par l'EI-K dans une mosquée chiite de Peshawar avait fait 64 morts, le plus meurtrier au Pakistan depuis 2018.
Th.Frei--HHA