La Birmanie marque le deuxième anniversaire du coup d'Etat avec un possible report des élections
Rues désertées et manifestations sporadiques: en Birmanie, les militants pro-démocratie marquent mercredi d'une pierre noire le deuxième anniversaire du coup d'Etat, sur fond de possible report des élections.
Tous les regards sont tournés vers une éventuelle annonce de la junte concernant la prolongation de l'état d'urgence et le report des élections promises pour l'été.
Le chef de la junte Min Aung Hlaing avait déclaré précédemment que les élections ne pourraient être tenues que quand le pays serait "pacifié et stable".
Les rues du centre de Rangoun, la capitale économique, se sont largement vidées en fin de matinée, ont constaté des correspondants de l'AFP, après que des militants ont appelé les habitants du pays à fermer leurs commerces et à rester à l'intérieur de 10h00 (03h30 GMT) à 16h00.
- Grève silencieuse -
Les routes menant à la célèbre pagode Shwedagon - un sanctuaire bouddhiste qui domine l'horizon et est habituellement bondé de fidèles - étaient en grande partie désertes.
La plupart des bus circulant sur les autres routes de la ville étaient vides et la sécurité était très présente.
Le calme régnait également dans la deuxième ville de Mandalay, a déclaré un habitant à l'AFP.
"Il y a quelques personnes qui se promènent ici et là dans les quartiers mais presque aucune activité sur les routes principales", a-t-il dit, requérant l'anonymat.
Les images des médias locaux montraient des rues vides dans la ville de Mawlamyine, dans l'est du pays.
Un rassemblement pro-militaires de "patriotes, d'amoureux de l'armée, de moines et du public" devait défiler dans les rues du centre-ville de Rangoun.
L'ambassade des Etats-Unis a mis en garde contre une "augmentation des activités et des violences contre le régime" pendant les jours entourant l'anniversaire.
Environ 300 manifestants se sont rassemblés devant l'ambassade de Birmanie à Bangkok, en Thaïlande, certains scandant des slogans hostiles à l'armée et tenant des portraits d'Aung San Suu Kyi, l'ex-dirigeante aujourd'hui emprisonnée.
L'état d'urgence imposé dans la foulée du putsch par la junte devait expirer à la fin du mois de janvier, délai au terme duquel les autorités devaient, selon la Constitution, mettre en place un calendrier pour de nouvelles élections.
L'armée devait annoncer mercredi qu'elle se préparait pour ces élections. Mais mardi, le Conseil national de défense et de sécurité, composé de membres de la junte, s'est réuni pour discuter de l'état de la nation et a conclu que le pays "n'est pas encore revenu à la normale".
Dans un communiqué, la junte a accusé ses opposants, dont les "Forces de défense populaire" (PDF) et un gouvernement fantôme animé par des députés du parti d'Aung San Suu Kyi, de chercher à prendre le pouvoir "par le soulèvement et la violence".
L'"annonce nécessaire sera publiée" mercredi, ajoute le document, sans donner de détails.
Les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ont annoncé une nouvelle série de sanctions pour marquer cet anniversaire, visant les membres de la junte et les entités qu'elle soutient.
- "Campagne barbare" -
La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a ajouté de nouvelles sanctions notamment à l'encontre des entreprises fournissant du carburant d'aviation à l'armée et permettant sa "campagne barbare de raids aériens dans le but de se maintenir au pouvoir".
Les sanctions américaines visent également la commission électorale approuvée par la junte, qui a donné la semaine dernière deux mois aux partis politiques pour se réinscrire, signe que les militaires semblaient vouloir organiser de nouveaux scrutins.
Mais la participation s'annonce incertaine, des pans du pays étant en proie à un violent conflit entre forces armées et milices rebelles qui dissuade les habitants d'aller voter -- ou fait planer la menace de représailles pour ceux qui le feront.
Un envoyé spécial des Nations unies a déclaré mardi que des élections "alimenteraient une plus grande violence, prolongeraient le conflit et rendraient plus difficile le retour à la démocratie et à la stabilité".
Plus de 2.900 personnes ont été tuées dans la répression de la dissidence par l'armée depuis qu'elle a pris le pouvoir et plus de 18.000 ont été arrêtées, selon un groupe de surveillance local.
La junte a récemment achevé une série de procès à huis clos contre Aung San Suu Kyi, emprisonnant la lauréate du prix Nobel pour un total de 33 ans dans le cadre d'un processus que les groupes de défense des droits ont qualifié d'imposture.
"Notre principal souhait pour 2023 est la liberté et rentrer chez nous", a déclaré à l'AFP Thet Naung, un militant de la région de Sagaing (nord), qui a été le théâtre d'affrontements réguliers entre l'armée et les combattants anti-coup d'État.
O.Zimmermann--HHA