Corruption: le Parlement européen s'apprête à lever l'immunité de deux élus
Le Parlement européen s'apprête à lever jeudi l'immunité de deux eurodéputés visés par la justice belge dans le scandale de corruption présumée au profit du Qatar et du Maroc, ouvrant la voie à leur audition par les enquêteurs.
Le vote en plénière doit avoir lieu à partir de 10h00 GMT dans l'hémicycle bruxellois.
Il devrait confirmer le feu vert donné mardi à l'unanimité par la commission des affaires juridiques du Parlement à la levée d'immunité du Belge Marc Tarabella et de l'Italien Andrea Cozzolino.
Les deux élus, temporairement exclus du groupe des Socialistes & démocrates, nient toute malversation.
"Après la levée d'immunité tout sera possible, (...) cela ne veut pas dire forcément qu'il y aura des mesures coercitives, mais la justice se donne tous les moyens de pouvoir travailler comme pour n'importe quel justiciable", a expliqué à l'AFP Eric Van Duyse, porte-parole du parquet fédéral.
L'eurodéputé belge Marc Tarabella, 59 ans, a été mis en cause par l'Italien Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d'ONG, et qui fait figure de personnage central dans cette affaire.
Ce dernier, inculpé et placé en détention provisoire comme trois autres suspects, a conclu en janvier un accord avec la justice, s'engageant à livrer des informations sur le système de corruption auquel il admet avoir participé, en échange d'une peine de prison limitée à un an.
Selon le journal belge L'Echo, il a affirmé dès décembre aux enquêteurs avoir versé plus de 120.000 euros en plusieurs fois à Marc Tarabella pour son aide dans les dossiers liés au Qatar.
Le domicile de M. Tarabella dans la région de Liège (est) avait été perquisitionné, mais aucun argent liquide n'avait été découvert. Et l'intéressé nie avoir reçu "argent ou cadeaux en échange de (ses) opinions politiques".
- "Le compte n'y est pas" -
Dans cette rocambolesque affaire, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d'euros en liquide, saisis aux domiciles de M. Panzeri et de l'eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci.
Comme M. Panzeri, Mme Kaili est écrouée, de même que son compagnon, l'Italien Francesco Giorgi, assistant parlementaire, et un autre Italien, Niccolo Figa-Talamanca, responsable d'ONG. Ils sont inculpés d'"appartenance à une organisation criminelle", "blanchiment d'argent" et "corruption".
M. Cozzolino est aussi réputé proche de M. Panzeri, qui comme lui a été président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Maghreb. Il avait comme assistant parlementaire Francesco Giorgi qui, selon le journal Le Soir, a reconnu avoir fait partie d'une organisation utilisée par le Maroc et le Qatar dans le but de s'ingérer dans les affaires européennes.
Le scandale, qui a provoqué une onde de choc au Parlement européen, a conduit la présidente de l'institution, la Maltaise Roberta Metsola (PPE, droite), à annoncer des réformes.
Mais pour l'eurodéputée française Manon Aubry (LFI), rapportrice sur les demandes de levée d'immunité des deux élus et coprésidente du groupe de la Gauche, "le compte n'y est pas".
"La justice avance, c'est une bonne chose, maintenant charge au politique de faire son travail, et de ce point de vue là, c'est au point mort", a-t-elle déclaré à l'AFP, jugeant les propositions de Roberta Metsola "à mille lieues de l'ambition" d'une résolution votée en décembre par les eurodéputés.
"Ce n'est pas la dernière fois qu'on verra une ingérence extérieure, qu'elle soit le fait de lobbies privés ou d'Etats tiers dans nos travaux, tant qu'on n'acceptera pas de réformer en profondeur la façon dont fonctionnent nos institutions", a-t-elle averti, lançant "l'alerte sur la sanction qui pourrait venir des citoyens" aux élections européennes de 2024.
E.Borstelmann--HHA