A Chypre, participation en hausse pour l'élection présidentielle
Les Chypriotes votaient dimanche lors d'un scrutin présidentiel serré entre trois candidats, préoccupés par les scandales de corruption et l'inflation galopante sur leur île divisée depuis près d'un demi-siècle.
"Nous avons besoin d'un chef de l'Etat qui prenne en compte les familles, la classe ouvrière", estime Fotos Constantinou, 50 ans, après avoir voté à Nicosie, sous une pluie battante. "Nous sommes en mode pilotage automatique et nous ne savons pas où va l'avion."
A 15H00 (13H00 GMT), le taux de participation était de 55,6%, en hausse de 4,7% par rapport à la dernière élection présidentielle, en 2018, selon des chiffres officiels.
Selon les sondages, aucun ne serait en mesure de remporter la majorité absolue. Un second tour serait alors organisé le 12 février.
Ouverts à 07H00 (05H00 GMT), les 1.113 bureaux de vote ferment à 18H00 (16H00 GMT).
Membre de l'Union européenne depuis 2004, Chypre est divisée depuis l'invasion turque en 1974 du tiers nord de l'île, en réponse à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient rattacher le pays à la Grèce. Les pourparlers sur la réunification sont au point mort depuis 2017.
La République de Chypre n'exerce son autorité que sur la partie sud de l'île, séparée par la Ligne verte, une zone démilitarisée contrôlée par l'ONU, de la République turque de Chypre-Nord (RTCN), autoproclamée et reconnue seulement par Ankara, où vivent les Chypriotes-turcs.
"Ce n'est que par l'unité (...) que nous pourrons vraiment répondre aux attentes du peuple chypriote", a déclaré Nikos Christodoulides, donné favori, après avoir voté.
Soutenu par les partis centristes, ce diplomate de 49 ans qui se présente comme "indépendant", a été ministre des Affaires étrangères du président Anastasiades entre 2018 et 2022.
Ses principaux adversaires sont Andreas Mavroyiannis, diplomate de 66 ans soutenu par le parti communiste Akel et ancien chef négociateur dans les pourparlers sur la réunification (2013-2022), ainsi qu'Averof Neofytou, 61 ans, leader du parti conservateur au pouvoir, Disy.
Hubert Faustmann, professeur de politique et d'histoire à l'Université de Nicosie, parle d'un scrutin "étrange" où "les trois favoris sont liés à l'actuel président" qui, à 76 ans, achève deux mandats de cinq ans.
- Corruption et migrants -
Premier défi pour le nouveau dirigeant: l'inflation, qui a atteint 10,9% en 2022. Malgré un ralentissement en janvier, à 7,1%, la hausse des prix, notamment de l'énergie et de la nourriture, reste en tête des préoccupations et le pays a connu fin janvier une grève générale.
La lutte contre la corruption a dominé aussi le débat, notamment après le scandale des "passeports en or", dispositif qui a dû être annulé en raison d'allégations de corruption, entachant l'image du gouvernement de M. Anastasiades.
"La corruption est au coeur du débat, comme l'économie et la vie quotidienne. Le problème de Chypre (la division de l'île) est un sujet secondaire", estime Giorgos Kentas, professeur à l'Université de Nicosie.
L'afflux de migrants, pour lequel les candidats ont promis d'agir, est un autre sujet sensible sur cette île de l'est de la Méditerranée. Les autorités affirment que 6% des 915.000 personnes vivant dans le sud de l'île sont des demandeurs d'asile.
- Pourparlers à l'arrêt -
Chypre détient le deuxième taux le plus élevé de primo-demandeurs d'asile par rapport à sa population dans l'Union européenne, derrière l'Autriche.
Nicosie reproche à Ankara d'orchestrer une bonne partie de l'arrivée des réfugiés syriens et de migrants africains via la Ligne verte.
Le futur président sera justement appelé à relancer les pourparlers de paix. Sur ce dossier, M. Christodoulides est considéré comme un "faucon" et souhaite que l'UE isole la Turquie.
M. Neofytou est vu comme un pragmatique, tandis que M. Mavroyiannis a assoupli sa position pour être en accord avec la ligne du parti Akel.
Le processus diplomatique parrainé par l'ONU achoppe notamment sur la présence de 40.000 soldats turcs en RTCN.
J.Burmester--HHA