Retraites: LFI sous pression pour accélérer les débats
Fragilisée par les controverses, la France insoumise était mardi la cible de pressions à l'Assemblée, y compris des groupes de gauche, pour retirer des milliers d'amendements permettant l'examen du principal article de la réforme des retraites avant la date limite de vendredi.
Au sixième jour effectif des débats à l'Assemblée, les députés doivent rejoindre leur pupitre dans l'après-midi pour poursuivre l'examen de l'article 2 de cette réforme très contestée concernant notamment la mise en place d'un index en entreprise pour lutter contre le chômage des seniors.
Mais, après un nouvel incident lundi impliquant le député LFI Aurélien Saintoul qui a qualifié le ministre du Travail Olivier Dussopt d'"imposteur" et d'"assassin" avant de présenter ses excuses, les débats continuent à patiner.
La faute, selon la majorité présidentielle mais aussi la droite et l'extrême droite, à la "stratégie d'obstruction" assumée par la gauche et singulièrement le groupe de La France insoumise. Quelque 14.000 amendements restent à examiner.
- "Bières sans alcool" -
Lundi, les alliés de la Nupes (LFI, PS, PCF, EE-LV) ont annoncé le retrait d'"un millier" d'entre eux pour progresser sur l'article 2. Mais il faudrait en retirer "quasiment 9.000" pour arriver à l'article 7 consacré au recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62 aujourd'hui, a estimé mardi la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance).
Ce point qui cristallise les débats et a plusieurs fois attiré plus d'un million de personnes dans la rue à l'appel de syndicats unis risque de ne jamais être débattu dans l'hémicycle.
Alors que chaque jour suscite sa polémique, la première ministre Élisabeth Borne a demandé lundi que "les débats se tiennent sur le fond et non pas dans l'invective".
Pour le député Rassemblement national (RN) Jean-Philippe Tanguy, LFI est responsable du retard pris à coup d'amendements et de controverses. "On ne parle pas de la vie des gens et de la réforme" rejetée par son groupe, a-t-il regretté.
"On vend des bières sans alcool, on fait des steaks au tofu (...), on veut des députés qui ne déposent pas d'amendements?", s'est emporté le député insoumis Alexis Corbière mardi sur Europe 1.
Il a accusé le gouvernement de "retourner le truc", imposant selon lui un "récit" d'obstruction. "Mais la réalité c'est que c'est eux qui ne veulent pas discuter (...) parce qu'ils sont minoritaires dans la société".
- "Dernière sommation" -
Quoiqu'il en soit, et même si chez LFI des voix sont dissonantes, ses partenaires ainsi que les syndicats se font de plus en plus pressants pour retirer de nouveaux amendements. Mais la patronne du groupe Mathilde Panot a refuse de s'y engager, défendant "une stratégie de résistance parlementaire mouvante" et demandant au gouvernement de prolonger plutôt les débats à l'Assemblée.
Ce n'est pas à l'ordre du jour. Selon une source parlementaire, à l'issue des débats, c'est une commission mixte de sénateurs et de députés qui détiendrait la clé du vote. En cas d'accord, un texte de compromis sera soumis à l'approbation de l'Assemblée le 16 mars.
Dans l'immédiat, la majorité présidentielle va être confrontée à un autre défi: une cinquième journée d'actions organisée jeudi à l'appel des huit principaux syndicats avant une nouvelle le 7 mars, après les vacances scolaires, qui pourrait enclencher des grèves reconductibles.
"Il faut maintenir cette pression de l’opinion publique sur le gouvernement mais aussi sur les députés", expliquait lundi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, Laurent Escure (Unsa) évoquant "une dernière sommation".
Les numéros un de l'intersyndicale (CFDT-CGT-FO-CFE-CGC-CFTC-Unsa-Solidaires-FSU) défileront à Albi, symbole de cette France des petites villes très mobilisée contre la réforme. A Paris, la manifestation partira de Bastille en direction de la place d'Italie.
Après 963.000 manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats samedi, l'affluence devrait être moindre jeudi "avec deux zones en vacances", selon Simon Duteil (Solidaires). Des appels à la grève ont été lancés à la SNCF et à la RATP.
A.Roberts--HHA