Ukraine: près de Bakhmout assaillie, l'esprit de résistance brûle toujours
"Les Russes ne prendront pas Bakhmout. Jamais." Oleksandre Jivov, un fermier de 60 ans, a fui cette ville de l'est de l'Ukraine attaquée sans relâche depuis des mois par les forces de Moscou. Mais il est certain que l'armée ukrainienne tiendra bon.
A Tchassiv Iar, petite commune située à quelques kilomètres à l'ouest de Bakhmout, le tonnerre de l'artillerie ukrainienne, auquel répondent les sifflements des obus russes, rappelle que ce coin du Donbass est devenu l'épicentre de la guerre.
Ces derniers jours, les forces russes ont revendiqué des gains autour de Bakhmout, notamment au nord, accentuant leurs efforts d'encerclement de la ville où les deux camps ont essuyé de lourdes pertes depuis l'été.
Mais mardi, le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, dont les hommes mènent la charge, a estimé que "Bakhmout ne sera pas prise demain" en raison de la résistance acharnée des Ukrainiens.
"Il y a une forte résistance, un pilonnage, le hachoir à viande est en action", a déclaré M. Prigojine. "On ne fera pas la fête de sitôt".
Oleksandre Jivov a quitté Bakhmout avec sa femme et leur chien dès le début de l'invasion russe l'an dernier, lorsqu'un missile a touché leur maison.
Ils se sont réfugiés à Tchassiv Iar, mais les frappes qui touchent régulièrement cette ville les ont poussés à s'installer à Kostiantynivka, encore plus à l'ouest. Ils rentreront dès qu'ils le pourront.
"Maintenant, on attend que l'armée ukrainienne chasse" les Russes de Bakhmout, dit M. Jivov à l'AFP. L'agriculteur espère que les forces de Moscou seront mises en déroute dans les deux prochains mois, avant la "saison des semis".
S'il est revenu à Tchassiv Iar ce jour-là, c'est pour récupérer un sac d'aide alimentaire distribuée dans une ancienne Maison de la culture, devant laquelle d'autres habitants ayant quitté Bakhmout patientent sur un trottoir enneigé.
"Les Russes ne prendront pas Bakhmout", lance M. Jivov. "Ils ne la prendront jamais. On le sait".
- "Je ne partirai pas" -
Si l'importance stratégique de Bakhmout est contestée, la ville a acquis un statut de symbole de la lutte entre Moscou et Kiev pour le contrôle de la région industrielle de Donetsk.
Et malgré l'optimisme affiché par M. Jivov, les autorités ukrainiennes ont à plusieurs reprises admis ces derniers jours que la situation autour de Bakhmout était de plus en plus "compliquée".
Les forces russes ont revendiqué cette semaine la prise du village de Paraskoviïvka au nord, à une dizaine de kilomètres du centre de Bakhmout.
Et les séparatistes prorusses ont affirmé que les troupes de Moscou avaient désormais sous leur contrôle trois des quatre voies d'approvisionnement ukrainiennes vers Bakhmout.
Face au risque d'encerclement, les autorités ont restreint les accès à Bakhmout pour les civils, y compris les membres d'organisations humanitaires et les journalistes.
Environ 5.000 habitants se trouvent encore à Bakhmout, qui en comptait quelque 70.000 avant la guerre, selon l'armée ukrainienne.
Malgré les récents succès revendiqués par Moscou, le patron de Wagner a souligné mardi la résistance toujours forte des forces de Kiev.
"L'adversaire s'active et envoie tout le temps de nouvelles réserves. Tous les jours, ce sont entre 300 à 500 combattants qui arrivent à Bakhmout de partout, les tirs d'artillerie s'accroissent tous les jours", a-t-il dit.
En dépit des combats qui gagnent en intensité dans la région et de la mort de son fils dans une frappe russe, Nadejda Vassykova, une habitante de Tchassiv Iar âgée de 62 ans, refuse pour sa part de s'en aller.
"C'est dur. Mais je ne partirai pas", insiste-t-elle en tenant un sac plastique rempli de denrées alimentaires, notamment de la farine, des pâtes, du pain, des conserves et des allumettes.
"Je ne quitterai pas mon appartement", poursuit-elle. "Je préfère mourir chez moi".
F.Wilson--HHA