Espérée par Kiev, la livraison de chars Leopard patine
Réclamée par Kiev depuis des semaines, la livraison de chars allemands Leopard patine et s'annonce moins ambitieuse qu'attendue, au point que Berlin a rappelé ses alliés à l'ordre.
Après avoir été pressé de toutes parts de donner son feu vert à l'envoi de ce fleuron de l'armement allemand, le chancelier Olaf Scholz en est venu vendredi à taper du poing sur la table lors de la Conférence de Munich sur la Sécurité.
L'assistance militaire à l'Ukraine "implique que tous ceux qui peuvent fournir de tels chars de combat le fassent vraiment", a lancé le chancelier lors de ce grand raout réunissant chaque année dirigeants et experts.
M. Scholz, critiqué par ses alliés avant qu'il donne son accord fin janvier, assure qu'il va "travailler activement" sur ce dossier à l'occasion des rencontres informelles et discussions bilatérales en marge de la conférence.
- Compte-goutte -
Les 14 chars promis par le gouvernement allemand, pris sur les équipements de la Bundeswehr, sont attendus fin mars en Ukraine. Des soldats ukrainiens sont actuellement formés à leur maniement dans le nord de l'Allemagne.
Pendant ce temps, les autres capitales communiquent leur engagement au compte-goutte.
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a critiqué vendredi les pays qui "sont plus lents" que l'Allemagne.
Un message porté également par Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien a appelé les alliés à "accélérer" leur soutien militaire, lors d'une intervention vidéo en ouverture de la Conférence.
Supposés avoir un effet déterminant sur le champ de bataille, selon certains experts, ces chars, construits conjointement par les entreprises allemandes Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et Rheinmetall, sont attendus par les troupes ukrainiennes qui redoutent une vaste offensive russe dans les prochaines semaines.
"L'Ukraine dispose probablement encore d'une fenêtre d'opportunité pour lancer des contre-offensives à grande échelle ces prochains mois, mais sa capacité à le faire dépend fortement de la vitesse et de l'ampleur avec lesquelles l'Occident lui fournit le matériel nécessaire, en particulier les chars et les véhicules blindés", souligne l'Institut américain des études de la guerre (ISW).
Fin janvier, Berlin s'était engagé à mettre à la disposition de l'Ukraine, avec d'autres pays, une trentaine de chars de combat Leopard 2.
L'Allemagne a dû convenir mercredi que l'envoi porterait finalement sur "un demi bataillon", soit une quinzaine de blindés.
"Soyons clairs : nous n'avons pas atteint un bataillon, ce sera un demi-bataillon", a reconnu M. Pistorius à l'issue d'une réunion à Bruxelles.
Le ministre allemand a précisé que son pays serait en mesure de fournir "14 Leopard 2 A6 en provenance d'Allemagne, plus 3 annoncés par le Portugal", livrés dans "la dernière semaine de mars".
Il a expliqué vendredi que certains pays avaient des problèmes de "disponibilité".
- "Donnez-les!" -
La Pologne, particulièrement pressante vis-à-vis de l'Allemagne avant le feu vert de M. Scholz, avait elle annoncé 14 Leopard 2A4, un modèle plus ancien. Mais le président Andrzej Duda, venu à Bruxelles cette semaine, n'a donné aucune indication sur la date de livraison de ces blindés.
Le Canada a promis 4 Leopard 24A - dont l'un a été expédié début février - tandis que la Finlande et la Suède avaient indiqué vouloir contribuer à l'effort.
La Norvège va elle donner à l'Ukraine huit Leopard 2 ainsi que des munitions, des pièces de rechange et jusqu'à quatre véhicules de soutien.
L'Espagne prévoit d'envoyer de quatre à six Leopard 2A4 à l'Ukraine, selon des sources gouvernementales citées par le quotidien El Pais début février. Mais ces chars, qui n'étaient plus en service depuis plus de dix ans, nécessitent d'être remis en état, selon le quotidien.
La fourniture de 14 chars Leopard 2 par les Pays-Bas a été évoquée mais les blindés sont mobilisés pour la brigade germano-néerlandaise, a expliqué le ministre allemand.
L'Ukraine devrait pouvoir compter dans les prochains mois sur au moins 100 chars Leopard 1 A5. Ces blindés, fournis par Berlin, La Haye et Copenhague, sont toutefois bien plus anciens.
Cette situation a fait réagir mercredi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. "J'appelle tous les pays européens qui ont des chars modernes qui prennent la poussière dans les casernes : donnez-les à l'Ukraine! Et donnez-les le plus vite possible", a-t-il dit.
W.Widmer--HHA