Ukraine: les Etats-Unis accusent pour la première fois la Russie de "crimes contre l'humanité"
La vice-présidente des Etats-Unis Kamala Harris a accusé pour la première fois la Russie d'avoir perpétré des "crimes contre l'humanité" depuis le début de son invasion de l'Ukraine il y a près d'un an, prévenant que les responsables devront "en rendre compte".
Intervenant à la Conférence de Munich sur la sécurité, Mme Harris, une ancienne procureure, a fait une énumération glaçante des exactions attribuées à Moscou, citant les bombardements systématiques visant les civils et les infrastructures critiques, les tortures et les viols attribués aux soldats russes, les déportations d'Ukrainiens en Russie, y compris de milliers d'enfants séparés de leur famille.
"Nous avons examiné les preuves, nous connaissons les normes juridiques et il n'y a pas de doute: ce sont des crimes contre l'humanité", a-t-elle déclaré.
"Et je dis à tous ceux qui ont perpétré ces crimes et à leurs supérieurs ou complices dans ces crimes: vous en rendrez compte", a-t-elle prévenu.
Depuis le début de l'invasion, les Etats-Unis ont documenté ou répertorié plus de 30.600 cas de crimes de guerre commis par les forces russes en Ukraine, précise le département d'Etat américain.
- "Guerre génocidaire" -
Le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba a salué la déclaration américaine et accusé de nouveau Moscou "de guerre génocidaire" en Ukraine, lors d'une conférence de presse en marge de la Conférence.
Il a dit toutefois craindre qu'il ne soit pas possible de réunir suffisamment de preuves pour poursuivre en justice "des individus spécifiques" ayant commis "des atrocités".
Kiev a appelé à la mise en place d'un tribunal spécial pour juger les plus hauts responsables russes mais sa forme exacte soulève des questions juridiques complexes.
Au diapason de ses alliés, la vice-présidente américaine a réaffirmé que les Etats-Unis - de loin le principal fournisseur en armes à Kiev - soutiendraient ce pays "aussi longtemps qu'il le faudra" et elle a redit la solidité du lien transatlantique et de l'Otan face à la Russie.
Plus tôt, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a mis en garde contre une défaite de l'Ukraine, alors que la Russie est en train de mobiliser "des centaines de milliers de troupes".
"Le plus grand risque de tous est que Poutine gagne. Si Poutine gagne en Ukraine, le message pour lui et d'autres dirigeants autoritaires sera qu'ils peuvent utiliser la force pour obtenir ce qu'ils veulent", a-t-il averti.
Près d'un an après le lancement, le 24 février 2022, de l'invasion russe, aucun signe d'apaisement n'est en vue.
Les troupes russes se sont emparées de près d'un cinquième du territoire ukrainien, les combats ont fait des dizaines de milliers de victimes dans les deux camps, et l'Otan redoute une nouvelle offensive de grande envergure de Moscou prochainement.
- "Responsabilité" de la Chine -
Les Européens espèrent convaincre la Chine, qui reste un proche allié de Moscou, d'user de son influence sur le maître du Kremlin pour mettre fin à la guerre.
Pékin, en froid actuellement avec Washington pour une affaire de ballon espion, doit "jouer un rôle responsable" dans la situation actuelle, a jugé le Premier ministre britannique Rishi Sunak.
Mais le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a présenté son pays comme un champion de la "paix" et redit à Munich qu'il revenait à Moscou et Kiev de "s'asseoir autour de la table et trouver" une issue "politique" au conflit.
Le sentiment général côté alliés et Ukrainiens est que la guerre risque de se prolonger, comme l'avaient déjà estimé le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz vendredi lors de la première journée de la Conférence qui doit se terminer dimanche.
C'est pourquoi il est essentiel d'accélérer la production d'armements standard, comme les munitions, dont Kiev "a désespérément besoin", a estimé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
Les membres de l'UE étudient actuellement les moyens de procéder à des achats communs de munitions pour l'Ukraine, selon des sources diplomatiques à Bruxelles.
Les alliés soutiennent l'Ukraine via des aides financières, humanitaires et militaires, y compris des chars lourds de fabrication occidentale même s'ils tardent à arriver sur le terrain, et via des sanctions économiques drastiques envers la Russie.
L'Ukraine réclame aussi à cor et à cri des avions de combat aux alliés qui restent réticents à ce stade.
Samedi, des centaines de personnes manifestaient dans les rues de Munich, certains pour soutenir l'Ukraine, d'autres au contraire pour exprimer leur désaccord à la livraison d'armes au pays.
A.Dankwers--HHA