Poutine suspend un traité sur les armes nucléaires et s'emporte contre l'Occident
Vladimir Poutine a annoncé mardi que la Russie suspendait sa participation au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire, aggravant la rupture avec l'Occident qu'il accuse d'avoir provoqué une escalade du conflit en Ukraine.
Les Etats-Unis ont qualifié la décision de suspendre cet important traité d'"irresponsable", tandis que la France et le Royaume-Uni, deux autres puissances nucléaires, ont respectivement appelé Moscou à "revenir sur sa décision irréfléchie" et à "faire preuve de responsabilité".
Dans un discours d'une heure et quarante-cinq minutes rappelant l'époque de la Guerre froide par sa virulente rhétorique anti-occidentale, M. Poutine a aussi juré de poursuivre "méthodiquement" son offensive en Ukraine.
Duel à distance ? Le président américain Joe Biden devait lui aussi faire une allocution très attendue, à Varsovie, où il se trouve après une visite surprise à Kiev lundi à l'occasion de laquelle il a encore promis des armes aux Ukrainiens.
Au cours d'une rencontre avec des responsables polonais mardi, M. Biden a assuré qu'un an après le début de l'offensive russe en Ukraine, l'Otan était "plus forte que jamais".
"Notre soutien à l'Ukraine ne faiblira pas", "l'Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie, jamais" et "reste libre", a-t-il plus tard martelé, parlant de "la volonté de fer de l'Amérique".
Le même jour, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a annoncé que les pays membres de l'UE allaient puiser dans leurs stocks pour accélérer les fournitures d'armes et de munitions à l'Ukraine.
- Des essais nucléaires ? -
M. Poutine a marqué les esprits en annonçant la suspension du traité New Start sur le désarmement nucléaire, se disant en outre prêt à renouer avec les essais nucléaires.
Signé en 2010, ce traité est le dernier accord bilatéral du genre liant Russes et Américains et vise à limiter leurs arsenaux nucléaires. La Russie avait déjà annoncé début août suspendre les inspections prévues sur ses sites militaires.
M. Poutine a aussi appelé les forces russes à se tenir "prêtes à réaliser des essais d'armes nucléaires", au cas où les Etats-Unis en feraient en premier.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a jugé la décision de la Russie sur New Start "très décevante et irresponsable", tout en assurant que les Etats-Unis "restent prêts à discuter sur les armes stratégiques" avec Moscou.
Paris a rappelé que le traité New Start constituait "un instrument essentiel de l'architecture internationale de maîtrise des armements nucléaires et de stabilité stratégique".
Londres a souligné que le contrôle des armements était "vital pour la sécurité de notre planète", cependant que le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a dit "regretter" la décision russe.
- "Sans pitié" -
M. Poutine a aussi juré de remplir "pas à pas, soigneusement et méthodiquement" les objectifs de son offensive en Ukraine qui a été marquée ces derniers mois par une série de revers militaires humiliants pour Moscou mais aussi, plus récemment, par de petites avancées dans l'est.
Les Occidentaux veulent "en finir avec nous une bonne fois pour toutes", a tonné M. Poutine, accusant Washington et ses alliés européens de porter "la responsabilité de l'attisement du conflit ukrainien et de ses victimes".
"Mais ils ne sont pas sans savoir qu'il est impossible de battre la Russie sur le champ de bataille", a ajouté le maître du Kremlin.
L'Alliance atlantique est "plus forte que jamais", un an après le déclenchement du conflit en Ukraine, lui a rétorqué de Varsovie Joe Biden.
Pendant le discours de M. Poutine, les forces russes ont bombardé des immeubles à Kherson, dans le sud de l'Ukraine, causant la mort d'au moins cinq civils, selon les autorités ukrainiennes.
La Russie "tue sans pitié la population civile", a dénoncé le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Les images diffusées après cette frappe montrent des corps, l'un recouvert par une bâche pour le cacher, gisant au sol à proximité d'un arrêt de bus et un supermarché détruit.
- Soutien militaire chinois ? -
Evoquant les sanctions qui frappent la Russie, M. Poutine a estimé mardi que les Occidentaux n'étaient "arrivés à rien" et n'arriveraient à rien, l'économie russe ayant résisté mieux que prévu.
Signe que la répression interne accompagnant l'offensive militaire risque de s'aggraver, le chef de l'Etat russe a aussi averti que "ceux qui ont choisi de trahir la Russie" devaient "être tenus pour responsables devant la loi".
Dans la lignée de ses litanies présentant l'Amérique et l'Europe comme "décadentes", Vladimir Poutine a également accusé les Occidentaux d'avoir érigé "la perversion et la maltraitance des enfants, jusqu'à la pédophilie (...) en norme".
Sans même attendre la fin de son discours, la Maison Blanche a dénoncé l'"absurdité" de la rhétorique anti-occidentale du président russe.
Les Occidentaux ont par ailleurs exprimé cette semaine leurs inquiétudes - réitérées mardi par le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg - face à la possibilité que la Chine, partenaire de la Russie, lui livre des armes, une éventualité balayée par Pékin.
Le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi est arrivé à Moscou et doit s'entretenir avec son homologue russe Sergueï Lavrov mercredi, après un appel de Pékin à "promouvoir le dialogue" en Ukraine face à un conflit qui "s'intensifie et devient même hors de contrôle".
burx/bds
A.Roberts--HHA