Londres et Bruxelles arrivent à un compromis sur l'Irlande du Nord
Le gouvernement britannique et l'Union européenne sont arrivés lundi à un compromis concernant les dispositions post-Brexit en Irlande du Nord, espérant ouvrir "un nouveau chapitre" après des mois de relations tumultueuses et de blocage politique dans la province britannique.
Alors que Londres et Bruxelles semblaient encore récemment au bord de la guerre commerciale à cause de cette crise, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont présenté l'accord lors d'une conférence de presse commune à Windsor, à l'ouest de Londres.
"Je pense que ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord est historique", a souligné la dirigeante européenne.
"Le plus important", a-t-elle insisté, "c'est que (l'accord) protège la paix durement obtenue grâce à l'accord du Vendredi Saint" de 1998 qui a mis fin au conflit entre unionistes surtout protestants et républicains en majorité catholiques et dont le 25e anniversaire sera célébré en avril.
- Blocage politique -
Signé en 2020, le protocole nord-irlandais, négocié par l'ancien Premier ministre Boris Johnson, réglemente la circulation des marchandises entre le reste du Royaume-Uni et l'Irlande du Nord, qui dispose de la seule frontière terrestre avec l'Union européenne.
Ce protocole voulait éviter une frontière terrestre entre l'Irlande et l'Irlande du Nord qui risquerait de fragiliser la paix, tout en protégeant le marché unique européen.
Mais il posait des problèmes pratiques en imposant notamment des contrôles douaniers sur les produits arrivant en Irlande du Nord depuis la Grande-Bretagne.
Le protocole a ainsi généré des tensions entre l'Union européenne et Londres mais est aussi devenu un problème de politique intérieure pour Rishi Sunak, confronté à l'opposition de l'aile droite de sa majorité et à celle des unionistes du Democratic Unionist Party (DUP), opposés à toute remise en cause de la place de l'Irlande du Nord au sein Royaume-Uni.
Ces derniers refusent toute application de facto du droit européen dans la province britannique et bloquent le fonctionnement de l'exécutif local depuis un an.
Réagissant de manière mitigée à l'accord, le chef du DUP Jeffrey Donaldson a averti dans un communiqué que subsistaient à ses yeux des "sujets d'inquiétude", réservant sa décision quant à une fin du boycott des institutions locales, réclamé par la cheffe du Sinn Fein nord-irlandais Michelle O'Neill.
- Vote prévu des députés -
Le "cadre de Windsor" présenté lundi "supprime le sentiment de toute frontière" en mer d'Irlande, a fait valoir Rishi Sunak, qui joue gros politiquement avec cet accord. Il apporte des "garanties solides" pour la protection du marché unique européen, selon Ursula von der Leyen.
Seules les marchandises qui présentent un risque de se retrouver en République d'Irlande, et donc sur le marché unique européen, seront soumises à des contrôles.
Pour répondre aux préoccupations des unionistes, qui veulent avoir leur mot à dire sur l'application de nouvelles règles européennes en Irlande du Nord, le Parlement local disposera d'un "frein d'urgence". S'il est actionné, "le gouvernement britannique disposera d'un véto", a souligné Rishi Sunak.
L'accord, salué par Paris, Berlin et Dublin, ainsi que les milieux d'affaires britanniques, prévoit aussi que Londres renonce à un projet de loi grâce auquel le gouvernement britannique voulait s'arroger unilatéralement la faculté de passer outre certaines dispositions du protocole nord-irlandais.
Ce faisant, Rishi Sunak obtient en contrepartie le retrait des procédures judiciaires lancées par les Européens, mais se prive d'un levier cher au coeur de l'aile droite de son parti.
Rishi Sunak se prépare à des explications délicates lundi soir devant les députés, dont certains ont déjà exprimé leur mécontentement. Il doit éviter une fronde qui affecterait son autorité après quatre mois au pouvoir, mais après avoir entretenu le flou, il a confirmé que le nouvel accord serait soumis à un vote "au moment opportun".
Avant de repartir, Ursula von der Leyen a quant à elle pris le thé au château de Windsor avec Charles III, une visite critiquée par certains conservateurs comme une manoeuvre mêlant le roi à des discussions politiques aussi controversées.
J.Berger--HHA