Londres présente sous les critiques une nouvelle loi pour lutter contre l'immigration
Le gouvernement britannique présente mardi un projet de loi, déjà critiqué par les organisations de défense des droits humains, censé lutter contre l'immigration illégale qui prévoit d'interdire à ceux qui arrivent par la Manche de demander l'asile au Royaume-Uni.
A trois jours de sa première visite en France, le Premier ministre Rishi Sunak espère ainsi remplir sa promesse d'enrayer l'augmentation des traversées illégales de la Manche, incessante malgré les plans successifs des gouvernements conservateurs, et au coeur de régulières tensions avec Paris.
Avec plus de 45.000 arrivées par cette voie très dangereuse l'année dernière, le gouvernement se retrouve confronté à un système d'asile totalement dépassé et à des manifestations antimigrants marquées par des violences récemment.
Un an après sa loi controversée -depuis bloquée par la justice européenne- qui prévoyait d'envoyer au Rwanda des demandeurs d'asile avant même d'étudier leur dossier, Londres doit présenter un nouveau texte très restrictif.
"Si des gens arrivent ici par des voies illégales, ils ne devraient pas être autorisés à rester", a résumé la ministre Michelle Donelan, porte-voix du gouvernement lundi sur la BBC.
Selon des fuites dans la presse, le texte attendu depuis des semaines prévoit des mesures pour faciliter la détention et l'expulsion "dès que raisonnablement possible" des migrants qui seraient ensuite interdits à vie de revenir.
- Propositions "irréalisables" -
"Il semble que le but réel du gouvernement soit d'empêcher qui que ce soit de demander l'asile au Royaume-Uni", a déploré dans un communiqué l'organisation de défense des droits des réfugiés Care4Calais, qui souligne qu'un tel projet de loi serait contraire à la Convention internationale sur les réfugiés.
"Où va-t-on détenir des milliers de personnes? Combien cela coûterait-il?" s'interroge l'association. "Et si des personnes doivent être expulsées, où le gouvernement a-t-il l'intention de les envoyer?"
Le Royaume-Uni a voté une loi l'an passé pour expulser au Rwanda des demandeurs d'asile arrivés par la Manche mais le projet a été bloqué par la justice européenne et reste au point mort.
"C'est impossible à mettre en place, coûteux et cela ne stoppera pas les bateaux", résume de son côté Enver Solomon, de l'association Refugee Council.
Pour l'opposition travailliste, le projet de loi est une diversion: "De telles lois arrivent toujours avant des élections locales" comme celles prévues en mai, a estimé lundi le chef du Labour Keir Starmer sur la chaîne LBC. Mais "je ne pense pas que présenter des propositions irréalisables nous mènera très loin".
- "Vite, traversez maintenant" -
En pleine crise du coût de la vie, la gestion des demandes d'asile par le gouvernement britannique est source de crispations et d'incompréhension chez de nombreux Britanniques.
Mi-février, une manifestation de militants d'extrême droite devant un hôtel de demandeurs d'asile près de Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre) a dégénéré en violents heurts avec la police. D'autres manifestations antiréfugiés -et des contre-manifestations en soutien aux migrants- ont eu lieu dans certaines villes du pays, comme samedi à Douvres, principal port transmanche anglais.
Dans cette ville du sud-est de l'Angleterre, les habitants se montrent sceptiques sur le projet de loi: "c'est pour le spectacle, même le gouvernement sait que ça ne marchera pas", assure à l'AFP un d'entre eux, souhaitant resté anonyme.
Mais pour Downing Street, "il n'y a pas de temps à perdre" alors que quelque 3.000 personnes ont déjà traversé la Manche cette année.
Un porte-parole du Premier ministre a assuré que le gouvernement réfléchissait à mettre en place des voies "légales et sûres" réclamées par les associations pour demander l'asile au Royaume-Uni mais sans donner de détails et seulement "une fois que nous contrôlerons nos frontières".
M. Sunak est attendu vendredi à Paris pour un sommet bilatéral avec le président français Emmanuel Macron, quelques mois après que les deux pays ont signé un accord de coopération prévoyant notamment une aide financière des Britanniques pour surveiller les plages françaises.
En attendant, certains craignent un appel d'air dû à la loi.
Les passeurs vont dire aux migrants "vite, traversez maintenant avant qu'il y ait des changements", avertit ainsi Lucy Moreton, du syndicat Immigration Services Union représentant notamment la police aux frontières.
P.Garcia--HHA