Géorgie: l'opposition appelle à manifester à nouveau contre une loi controversée
L'opposition géorgienne a appelé à de nouvelles manifestations mercredi contre un projet de loi sur les "agents de l'étranger" dénoncé comme liberticide, au lendemain de heurts entre des milliers d'opposants et la police dans ce pays du Caucase.
Le Parlement géorgien a adopté mardi en première lecture ce texte qui prévoit que les organisations recevant plus de 20% de leur financement de l'étranger soient obligées de s'enregistrer en tant qu'"agents de l'étranger", sous peine d'amendes.
Selon ses détracteurs, ce projet rappelle une loi similaire adoptée en Russie en 2012 et que le Kremlin utilise pour réprimer les médias et les organisations d'opposition ou les simples voix critiques, considérés comme des "agents étrangers".
La Géorgie, une ex-république soviétique marquée par une guerre contre la Russie en 2008, ambitionne de rejoindre l'UE et l'Otan. Plusieurs récentes mesures du gouvernement ont toutefois jeté une ombre sur ces aspirations.
"A partir de 15H, les Géorgiens vont se réunir sur l'avenue Roustavéli (à Tbilissi, ndlr) et cela va continuer tous les jours. L'avenue sera géorgienne et pas russe, jusqu'à la victoire", a indiqué mardi soir Nika Melia, figure du Mouvement national uni (MNU), formation d'opposition créée par l'ex-président emprisonné Mikheïl Saakachvili.
Mardi soir, des milliers de personnes ont exprimé leur colère, à Tbilissi, lors de protestations dispersées à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau.
- "Attaque" contre le Parlement -
Le ministère géorgien de l'Intérieur a affirmé qu'au moins 66 personnes avaient été interpellées pendant cette manifestation, précisant qu'une cinquantaine de policiers et des "civils" avaient été blessés lors de heurts.
Selon cette source, des protestataires ont jeté des pierres et des "cocktails Molotov" sur la police, en tentant de mener une "attaque organisée" contre le Parlement géorgien.
Signe de l'inquiétude en Occident, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a condamné mercredi le projet de loi, le jugeant "incompatible" avec les valeurs de l'UE et l'objectif de rejoindre le bloc européen.
La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, s'est exprimée, elle, mardi à la télévision depuis New York pour se dire "aux côtés" des manifestants.
"Vous représentez aujourd'hui la Géorgie libre qui voit son avenir dans l'Europe et qui ne laissera personne lui voler cet avenir", a-t-elle ajouté en demandant que la loi soit "abrogée" et promettant d'y apposer son veto.
Ce veto pourra toutefois être surmonté par le parti au pouvoir du Rêve géorgien qui contrôle plus de la moitié des sièges au Parlement.
Ces dernières années, les autorités géorgiennes ont dû faire face à des critiques internationales croissantes sur un recul présumé de la démocratie qui a porté atteinte aux liens de Tbilissi avec Bruxelles.
L'ambassade américaine en Géorgie a dénoncé mardi le projet adopté en première lecture, estimant qu'il s'agissait d'un "jour sombre pour la démocratie géorgienne".
"La poursuite de ces lois nuira aux relations de la Géorgie avec ses partenaires stratégiques", a aussi averti l'ambassade.
Les Etats-Unis possèdent leur propre loi sur les "agents de l'étranger", mais, selon l'ONG Human Rights Watch, le texte américain concerne la régulation des lobbys et ne vise pas à affaiblir médias ou ONG.
La Géorgie a déposé sa candidature pour l'UE avec l'Ukraine et la Moldavie quelques jours après l'invasion russe du territoire ukrainien le 24 février 2022.
En juin, l'UE avait accordé un statut de candidat à l'Ukraine et à la Moldavie, mais demandé que la Géorgie procède à plusieurs réformes avant d'obtenir un statut similaire.
R.Weber--HHA