Retraites: le gouvernement accélère au Sénat, Macron ferme vis-à-vis des syndicats
Coup de théâtre au Sénat: le gouvernement a demandé vendredi un vote bloqué sur l'ensemble de sa réforme des retraites pour donner un coup d'accélérateur aux débats, tandis qu'Emmanuel Macron confirmait cette fermeté en n'acceptant pas de rencontrer les syndicats.
Pour contrer l'"opposition méthodique" de la gauche, le ministre du Travail Olivier Dussopt a dégainé vendredi l'arme constitutionnelle du vote bloqué devant le Sénat, qui va devoir se prononcer en une seule fois sur l'ensemble du projet de loi.
"Aveu de faiblesse", "coup de force": la gauche s'est aussitôt élevée contre ce recours, alors que les débats étaient prévus pour se poursuivre jusqu'à dimanche minuit et qu'un millier d'amendements restaient en discussion.
Emmanuel Macron n'a pour sa part pas proposé de rendez-vous aux syndicats, dans un courrier de réponse à leur lettre où ils lui demandaient de les recevoir en "urgence". Il a expliqué vouloir "préserver le temps parlementaire" même si le gouvernement "est à (leur) écoute".
"Je ne sous-estime pas le mécontentement dont vous vous faites le porte-parole comme les angoisses exprimées par de nombreux Français inquiets de ne jamais avoir de retraite", a ajouté le chef de l'Etat, à la veille d'une nouvelle journée de manifestations.
L'exécutif avait déjà opposé une fin de non recevoir à leur sollicitation au cours de la semaine, Elisabeth Borne renvoyant l'intersyndicale vers son ministre du Travail Olivier Dussopt.
- "Ric-rac" -
Mais au Parlement comme au gouvernement, les regards sont déjà tournés vers la semaine prochaine, qui devrait être décisive pour l'avenir de cette réforme phare du second mandat d'Emmanuel Macron prévoyant le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ en retraite.
Un groupe de sénateurs et de députés doit d'abord se réunir mercredi au sein d'une commission mixte paritaire (CMP) pour essayer de bâtir un projet de compromis entre les deux chambres qui devront ensuite voter séparément le lendemain sur ce texte.
L'approbation de l'Assemblée, où le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative et où la droite est divisée, semble de plus en plus incertaine.
La Première ministre Elisabeth Borne "va avoir un choix cornélien: c'est la roulette russe" d'un vote à l'Assemblée ou "la grosse Bertha" avec l'article 49.3 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote mais porte le risque d'une censure du gouvernement, a mis en garde Bruno Retailleau, le chef de file des sénateur Les Républicains.
Un vote positif est possible mais "ça va être ric-rac" à l'Assemblée, admet un ministre.
"Avoir une Première ministre qui ne veut pas du 49.3 et un président qui serait plus allant, c’est une dualité qui fait tout à fait partie du jeu", selon une source parlementaire au sein de la majorité, et permet de montrer que le gouvernement est prêt à tout.
Pour le leader de la CGT Philippe Martinez, un recours à ce dispositif de la Constitution serait "très grave y compris pour la démocratie" et justifierait la poursuite du mouvement.
- poursuite des blocages -
Du côté des syndicats, "on tire la sonnette d’alarme. Quand des millions de personnes sont dans la rue (…), quand il y a des grèves et qu’en face il n’y a rien, silence. Les gens se disent qu’est-ce qu’il faut faire de plus pour être entendu?", a affirmé Philippe Martinez.
Ils espèrent réussir une nouvelle journée de mobilisation samedi dans les rues pour exiger le retrait du texte.
Sur le terrain des blocages, les expéditions de carburant ont partiellement repris vendredi à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), a-t-on appris auprès du groupe, mais la CGT a dénoncé une "manipulation" de la direction et annoncé d'ores et déjà un "durcissement" du mouvement dans l'après-midi.
Côté transports, la SNCF prévoit pour vendredi un trafic toujours "fortement perturbé" avec la moitié de ses TGV Inoui et Ouigo supprimés ainsi que 60% de ses TER, et un niveau de service qui doit rester équivalent tout au long du week-end.
A.Roberts--HHA