Washington et Séoul lancent d'importantes manoeuvres militaires, Pyongyang tire deux missiles de croisière
La Corée du Sud et les Etats-Unis ont débuté lundi leurs plus importantes manœuvres militaires conjointes en cinq ans, malgré les menaces de la Corée du Nord, qui a annoncé quelques heures plus tôt avoir tiré deux missiles de croisière depuis un sous-marin.
Pyongyang a déclaré que son tir visait à vérifier ses "moyens de dissuasion nucléaire dans différents espaces", tout en critiquant les exercices "Freedom Shield" entre les forces américaines et sud-coréennes, prévus pour durer au moins dix jours afin de lutter contre les menaces croissantes de Pyongyang.
La Corée du Nord a rapporté que "les deux missiles de croisière ont frappé précisément la cible prédéfinie dans la mer orientale de Corée", selon l'agence officielle KCNA, en référence à l'étendue d'eau aussi appelée mer du Japon.
Les sanctions actuelles de l'ONU n'interdisent pas en pratique Pyongyang de tirer des missiles de croisière. Les essais relatifs à son arsenal nucléaire ne lui sont cependant pas permis.
Ce test est lié au fait que Séoul et Washington "avancent de manière de moins en moins dissimulée dans leurs manœuvres militaires contre la" Corée du Nord, selon KCNA.
L'état-major interarmées sud-coréen a rapporté avoir détecté le lancement, dimanche, d'au moins un missile non identifié depuis un sous-marin nord-coréen, ajoutant que les services de renseignement américains et sud-coréens analysent les faits.
Des images diffusées sur les médias d'Etat nord-coréens montrent un sous-marin, le "8.24 Yongung", un missile s'élançant vers le ciel, ainsi que de la fumée blanche et des flammes.
Des experts ont exprimé d'"importants doutes" quant à l'avancée du programme de sous-marin de Pyongyang. Pour Park Won-gon, professeur à l'université Ewha de Séoul, les images transmises suggèrent que le missile a été tiré au-dessus de la surface de l'eau.
"Dans ce cas, il est inutile (d'effectuer un tir) depuis un sous-marin" car ce n'est pas furtif, a-t-il observé pour l'AFP.
- Exercices défensifs -
Les exercices "Freedom Shield" "impliquent des procédures de temps de guerre pour repousser de potentielles attaques nord-coréennes et conduire une campagne de stabilisation dans le Nord", a décrit l'armée sud-coréenne.
L'état-major interarmées sud-coréen a insisté sur le fait que ces exercices sont "défensifs (et) se fondent sur un plan opérationnel conjoint".
Tous les exercices de ce type suscitent l'ire de Pyongyang qui les considère comme des répétitions générales à une invasion de son territoire, et met en garde régulièrement contre une action "écrasante" en réponse à ceux-ci.
"La Corée du Nord utilise des missiles pour (dénoncer) les exercices conjoints", a soutenu Go Myong-hyun, chercheur à l'Asan Institute for Policy Studies de Séoul.
"Elle veut souligner que la raison pour laquelle elle développe des missiles est à des fins d'autodéfense."
Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a également publié lundi un communiqué pour critiquer "le racket vicieux des Américains quant aux +droits humains+", après que Washington a annoncé convoquer une réunion à l'ONU cette semaine sur les atteintes aux droits humains en Corée du Nord.
- D'autres tirs possibles -
En 2022, le Nord a qualifié d'"irréversible" son statut de puissance nucléaire et a conduit une nombre record d'essais balistiques en violation de résolutions de l'ONU.
Vendredi, KCNA a rapporté que Kim Jong Un avait ordonné à son armée d'intensifier ses manœuvres militaires en vue d'une "guerre réelle".
Washington a réaffirmé à plusieurs reprises son engagement "sans faille" à défendre la Corée du Sud en utilisant "toute la gamme de ses capacités militaires, y compris nucléaires" et récemment cherché à rassurer Séoul quant à leur capacité de dissuasion élargie à leurs alliés.
La Corée du Sud, pour sa part, cherche à apaiser une opinion publique plutôt inquiète quant aux engagements américains en matière de dissuasion dite élargie permettant, grâce à des moyens militaires américains incluant l'arme nucléaire, de prévenir les attaques contre les alliés.
Bien que la politique officielle des deux pays à l'égard du Nord n'ait pas changé, à savoir que le leader nord-coréen doit renoncer à ses armes nucléaires et revenir à la table des négociations, les experts estiment qu'il y a eu un changement en pratique.
Washington a "effectivement reconnu que la Corée du Nord ne renoncera jamais à son programme nucléaire", a déclaré à l'AFP le transfuge An Chan-il, directeur de l'Institut mondial d'études nord-coréennes.
"Freedom Shield" sera en conséquence "très différent -- tant sur le plan qualitatif que quantitatif -- des exercices conjoints précédents qui ont eu lieu ces dernières années", a-t-il ajouté.
Il est probable que Pyongyang se servira de "Freedom Shield" comme d'une "excuse" pour investir davantage dans ses programmes d'armements interdits, selon Chun In-bum, un général de l'armée sud-coréenne à la retraite.
"Il faut s'attendre à d'autres tirs de missiles, avec des variations de style et de portée, et même à un essai nucléaire. D'autres actes d'intimidation de la part de la Corée du Nord ne seraient pas surprenants."
O.Meyer--HHA