Kenya: gaz lacrymogènes contre le chef de l'opposition qui appelle à manifester encore
L'opposition a dénoncé l'utilisation de gaz lacrymogènes contre le convoi du chef de l'opposition Raila Odinga qui a appelé ses partisans à manifester chaque lundi contre la forte inflation et le gouvernement, sur fond d'affrontements entre protestataires et forces de l'ordre.
Il s'agit des premiers troubles majeurs depuis l'arrivée au pouvoir de William Ruto
Raila Odinga, 78 ans, qui continue d'affirmer que l'élection présidentielle très serrée du 9 août 2022 lui avait été "volée" et que le gouvernement de William Ruto est "illégitime", a déclaré: "chaque lundi, il y aura une grève, il y aura une manifestation. La guerre a commencé, elle ne se terminera pas tant que les Kényans n'auront pas obtenu leurs droits".
Un peu plus tôt, la police avait tiré des gaz lacrymogènes et fait usage de canons à eau contre le convoi de M. Odinga.
Le porte-parole de l'opposant, Dennis Onyango, a accusé auprès de l'AFP la police d'avoir tiré à balle réélle sur la voiture M. Odinga, sans qu'il soit possible de vérifier cette information de manière indépendante.
Les manifestations contre l'inflation dans la capitale avaient été interdites la veille par les autorités pour non-respect du délai de dépôt.
Des affrontements ont également éclaté entre des manifestants jetant des pierres et les forces de l'ordre utilisant gaz lacrymogènes et canons à eau dans certains quartiers de la capitale et dans au moins une autre ville, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Les organisateurs de la manifestation avaient prévu de marcher vers State House, le palais présidentiel, dans le centre de Nairobi, où une vingtaine de manifestants ont été arrêtés. Parmi les personnes interpellées figurent deux parlementaires, Stewart Madzayo, chef de la minorité au Sénat, et le député Opiyo Wandayi, tous deux membres du parti M. Odinga.
"Nous sommes venus ici pacifiquement, mais ils nous ont jeté des gaz lacrymogènes", a affirmé un manifestant, Charles Oduor. "Ils nous mentent tous les jours. Où est la farine de maïs bon marché qu'ils ont promise ? Où sont les emplois pour les jeunes qu'ils ont promis ? Tout ce qu'ils font, c'est embaucher leurs amis", a ajouté ce jeune homme de 21 ans.
A Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, des manifestants ont mis le feu à des pneus et la police a utilisé des canons à eau.
Des affrontements se sont également produits à Kisumu, dans l'ouest du Kenya, autre bastion de Raila Odinga.
- Flambée des prix -
"Notre victoire nous a été volée et nous sommes déterminés à la récupérer. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que la vie devient de plus en plus difficile. Nous voulons Raila à State House", a lancé un manifestant à Kisumu, Kevin Ojwang.
Les manifestations contre l'inflation qui s'est élevée en février sur un an à 9,2% dans le pays d'Afrique de l'Est avait été interdites dimanche par les autorités.
Les Kényans souffrent également de la chute brutale du shilling par rapport au dollar américain et d'une sécheresse record qui a plongé des millions de personnes dans la famine.
Certains Kényans ont également critiqué les manifestations. "Nous sommes six mois après les élections, pourquoi les protestations, Raila devrait se prendre pacifiquement sa retraite", soutient Jackson Mwangi.
"Nous voulons demander aux organisateurs de réfléchir, de mettre fin au chaos afin que ceux qui n'ont pas ouvert leurs entreprises et leurs magasins le fassent cet après-midi", a déclaré le vice-président Rigathi Gachagua, affirmant que les manifestations avaient déjà fait perdre 2 milliards de shillings, environ 14 millions d'euros.
"La vie est si dure. Voyez ces jeunes hommes et femmes, nous n'avons pas de travail, les gens perdent leur emploi. C'est pourquoi nous venons parler de nos droits", explique Henry Juma, 26 ans, cireur de chaussures.
- "Epreuve de force" -
Le grand journal kényan The Standard a résumé la tension en titrant lundi : "Le jour de l'épreuve de force".
De nombreux commerces à Nairobi étaient fermés avant les manifestations et certaines entreprises avaient demandé à leurs employés de privilégier le télétravail.
Le chef de l'Etat s'était élevé ce week-end contre les appels à manifester de son opposant. "Vous n'allez pas nous menacer avec des ultimatums, du chaos et de l'impunité. Nous ne le permettrons pas", a dit William Ruto, demandant à Raila Odinga d'agir via des moyens "légaux et constitutionnels".
Selon les résultats officiels, M. Odinga a perdu face à M. Ruto de quelque 233.000 voix, l'un des écarts les plus serrés de l'histoire du pays, et alors qu'il était soutenu dans ce scrutin par le président sortant Uhuru Kenyatta.
Le recours intenté par Raila Odinga, qui concourait pour la cinquième fois à la tête du pays et se plaignait de fraudes, a été rejeté par la Cour suprême.
Ch.Tremblay--HHA