Kenya: l'opposition appelle à de nouvelles mobilisations, un manifestant tué
Un manifestant a été tué lundi par la police dans l'ouest du Kenya, lors d'une journée d'affrontements entre forces de l'ordre et partisans de l'opposition, qui a appelé à de nouvelles mobilisations hebdomadaires contre l'inflation et le gouvernement.
Il s'agit des premiers troubles majeurs depuis l'arrivée au pouvoir de William Ruto, victorieux de l'élection présidentielle très serrée d'août dernier, au résultat contesté par son rival malheureux Odinga qui continue d'affirmer qu'elle lui a été "volée" et que le gouvernement Ruto est "illégitime".
A Mesano, un des bastions de l'opposition dans l'ouest du pays, les policiers, à court de gaz lacrymogènes, ont "tiré à balles réelles", tuant William Mayange, un étudiant, après que des manifestants ont "commencé à jeter des pierres sur le cordon de police" et endommagé les vitres de dix maisons et du poste de police" , a annoncé la police dans un communiqué.
Six policiers ont également été blessés, a-t-elle ajouté.
Dans la capitale Nairobi, la police a tiré des gaz lacrymogènes contre le convoi du chef de l'opposition Raila Odinga, qui a demandé à ses partisans de se rassembler tous les lundis.
"Chaque lundi, il y aura une grève, il y aura une manifestation. La guerre a commencé, elle ne se terminera pas tant que les Kényans n'auront pas obtenu leurs droits", a déclaré M. Odinga, âgé de 78 ans.
Le porte-parole de M. Odinga, Dennis Onyango, a accusé auprès de l'AFP la police d'avoir tiré à balle réelle sur la voiture M. Odinga, sans qu'il soit possible de vérifier cette information de manière indépendante.
Les manifestations dans la capitale contre l'inflation, qui s'est élevée en février à 9,2% sur un an, avaient été interdites dimanche par les autorités pour non-respect du délai de dépôt.
Des affrontements ont éclaté entre des manifestants, qui ont jeté des pierres, et les forces de l'ordre qui ont utilisé des gaz lacrymogènes et canons à eau dans certains quartiers de la capitale et au moins une autre ville, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Les organisateurs de la manifestation avaient prévu de marcher vers State House, le palais présidentiel, dans le centre de Nairobi, où une vingtaine de manifestants ont été arrêtés, dont deux parlementaires membres du parti de M. Odinga.
- Flambée des prix -
"Ils nous mentent tous les jours. Où est la farine de maïs bon marché qu'ils ont promise ? Où sont les emplois pour les jeunes qu'ils ont promis ? Tout ce qu'ils font, c'est embaucher leurs amis", a dénoncé Charles Oduor, un manifestant de 21 ans.
Des affrontements ont également eu lieu à Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, et à Kisumu, un autre bastion de Raila Odinga, dans l'ouest du pays.
"Notre victoire nous a été volée et nous sommes déterminés à la récupérer. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que la vie devient de plus en plus difficile. Nous voulons Raila à State House" (la résidence du président, ndlr), a lancé un manifestant à Kisumu, Kevin Ojwang.
Outre les hausses de prix, les Kényans souffrent de la chute brutale du shilling par rapport au dollar américain et d'une sécheresse record qui a plongé des millions de personnes dans la famine.
Certains critiquent toutefois les manifestations. "Nous sommes six mois après les élections, pourquoi les protestation? Raila devrait se prendre pacifiquement sa retraite", estime ainsi l'un d'eux, Jackson Mwangi.
Le vice-président, Rigathi Gachagua, a demandé "aux organisateurs de réfléchir" et "de mettre fin au chaos pour que ceux qui n'ont pas ouvert leurs entreprises et leurs magasins le fassent cet après-midi". Les manifestations ont déjà fait perdre 2 milliards de shillings, environ 14 millions d'euros, a-t-il affirmé.
- "Epreuve de force" -
De nombreux commerces à Nairobi étaient fermés avant les manifestations et certaines entreprises avaient demandé à leurs employés de privilégier le télétravail.
Le chef de l'Etat s'était élevé ce week-end contre les appels à manifester de son opposant. "Vous n'allez pas nous menacer avec des ultimatums, du chaos et de l'impunité. Nous ne le permettrons pas", a dit William Ruto, 56 ans, demandant à Raila Odinga d'agir via des moyens "légaux et constitutionnels".
Le recours intenté après la présidentielle par Raila Odinga, qui concourait pour la cinquième fois à la tête du pays et se plaignait de fraudes, a été rejeté par la Cour suprême.
J.Berger--HHA