Tensions à Fos où les réquisitions ne passent pas
"Pour nous, les réquisitions c'est un 49.3 imposé aux grévistes": dès que l'arrêté visant les salariés du dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer a été pris, ils sont des centaines à avoir convergé mardi de toute la région vers ce site stratégique, pour exprimer leur colère contre la réforme des retraites.
Mais rapidement la situation s'est tendue, avec trois blessés du côté des forces de l'ordre.
"On était parti pour faire une autre action, mais dès qu'on a eu l'info, vers 6h30, le mouvement s'est déplacé ici", dit Nicolas Davan, secrétaire général de la CGT Energie Provence.
"On a fait le train bleu", plaisante Julie Cavenel, de la CGT Enedis GRDF d'Avignon, en regardant les dizaines de camions bleu Enedis venus du Vaucluse. Sur certains, les grévistes avaient collé des pancartes pour dire "non à la retraite à 64 ans" ou "Macron, ta réforme dans ton fion".
"Nous on est carrément contre les réquisitions, qui sont un 49.3 imposé aux grévistes", ajoute la syndicaliste, devant ce dépôt qui alimente une vingtaine de départements du grand sud-est et où 800 camions peuvent transiter chaque jour.
Un couple de retraités avait fait le déplacement depuis Saint-Remy-de-Provence, car "les blocages, y'a que ça pour se faire entendre". "Si on rate ça, il va y avoir du ressentiment et c'est le lit du RN", craint Sophie Simonpoli, ex-dirigeante associative de 67 ans, autrefois syndiquée à la CFE-CGC et aujourd'hui militante Insoumise.
A un moment, les manifestants voient des camions-citernes entrant sur le site, de l'autre bout de la route : dans la nuit, la préfète de police avait réquisitionné trois salariés par quart afin de pouvoir alimenter des stations, dont 37% déjà sont à sec dans le département.
En réaction, les manifestants mettent alors le feu à un gros tas de palettes, dont les flammes vont se répandre aux broussailles environnantes. Puis ils se dirigent vers les camions de CRS prépositionnés pour protéger le dépôt.
- "Un gros chat et plein de souris" -
Projectiles chez des manifestants, gaz lacrymogènes du côté des forces de l'ordre: "Oh, ça pique les gars, vous avez un chef ?", lance Olivier Mateu à des policiers à l'arrière.
Des grévistes positionnés sur une passerelle en surplomb jettent des pierres et même des palettes, avant d'être délogés par des CRS.
Selon la Préfecture de police, trois policiers ont été "blessés sérieusement" lors des incidents, dont deux au moins ont été transférés à l'hôpital de Martigues avec des fractures ouvertes.
Quelques minutes avant les tensions, le patron de la CGT 13 avait prévenu: "On va rester tout ce qu'on peut.... Il y aura un gros chat et tout plein de souris". Car pour Olivier Mateu, qui revendique une ligne dure à la CGT, "l'ordre public, c'est nous": "Il y aura la ligne de la répression et la ligne des hommes et des femmes dignes, debout".
Au large, des dizaines de méthaniers sont bloqués sur la Méditerranée, donnant un air de fin du monde à ce paysage industrialo-portuaire. "Les méthaniers qui attendent au large, ça coûte une blinde. Nous, on ne cherche pas à pénaliser les particuliers ou les entreprises, mais on fait des coupures ciblées ou des blocages pour toucher au porte-monnaie de nos employeurs", justifie Nicolas Davan.
En début d'après-midi, les manifestants ont finalement reculé, le calme est revenu et, selon la préfecture de police, le dépôt fonctionnait normalement.
Côté médias, nombreux sur place, un photographe et un vidéaste ont été agressés par des manifestants, avec une caméra détériorée, a constaté l'AFP.
"J'en veux pas aux CRS qui obéissent aux ordres mais aux politiques", a dit Stéphane Rachet, père de famille de 51 ans venu d'Arles. Pour lui, lors de son intervention mercredi, le président Emmanuel Macron devra "enfin sortir de sa torpeur" et retirer sa réforme des retraites.
"On est au bord de l'insurrection en France, il va y avoir des blocages dans tous les sens", avait prévenu mardi matin Christophe Claret, secrétaire général des dockers CGT du port de Marseille-Fos.
Ch.Brandes--HHA