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Sur le front en Ukraine, de vieux amis et leur canon sorti de l'histoire
Sur le front en Ukraine, de vieux amis et leur canon sorti de l'histoire / Photo: Aris Messinis - AFP

Sur le front en Ukraine, de vieux amis et leur canon sorti de l'histoire

Le plus âgé de la bande est leur canon : dans l'est de l'Ukraine, six vieux amis ont remis à neuf une pièce d'artillerie des années 1950 et combattent ensemble sur le front, "comme des frères".

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Ce matin-là, ils sont en position près de Bakhmout, une ville du Donbass ravagée par les combats et que les forces russes tentent de conquérir depuis l'été 2022.

L'écho puissant des explosions et des tirs d'artillerie, des mortiers et des chars ukrainiens et russes ne cesse de résonner.

Les six compères tirent avec un vieux canon S-60 datant de l'ère soviétique, de calibre 57 mm, un engin habituellement exposé en tant que relique à l'entrée de grandes villes sur des ronds-points ou bien devant des bâtiments officiels.

"Les canons que vous voyez ici sont des pièces de musée. Ils étaient stockés comme de la ferraille. On les a donc réparés, remis à neuf et on les utilise aujourd'hui pour protéger notre Ukraine natale", explique à l'AFP Volodymyr, 37 ans, qui commande une unité d'artillerie de 36 hommes et cinq canons au total.

Cette arme était initialement employée pour la défense antiaérienne. Désormais, elle sert de pièce d'artillerie, en tir tendu presque à l'horizontale et fixée sur la caisse d'un gros camion ukrainien Kraz à six roues, datant lui-même de quelques décennies et marqué d'une grande croix blanche, inspirée de celle de la Bundeswehr, l'armée allemande.

"Au début, on n'avait pas beaucoup de ressources. On a acheté des camions par nous-mêmes et grâce aux dons des gens qu'on connaissait, des volontaires, des ONG", poursuit le commandant.

- Coup de pédale -

Sur l'affût du canon, un pointeur et un tireur sont assis comme des pachas côte à côte sur des sièges en fer. A chaque tir, ils s'agrippent à des manivelles et le tireur fait feu en donnant un puissant coup de pédale avec sa jambe gauche.

Comme s'il l'avait fait sa toute sa vie, Tsyl, le tireur, dit appuyer "simplement sur la pédale. Le recul du canon n'est pas très important, je le ressens plus avec mes mains qu'avec mes pieds. Il faut le tenir très fort".

Allure décontractée dans leurs tenues kaki dépareillées, la barbe grisonnante, les rides prononcées et le ventre parfois arrondi, les six inséparables compagnons ne passent pas inaperçus.

"Cette unité a été créée bien avant tous ces événements (l'invasion russe). J'ai vécu avec eux, j'ai travaillé avec eux et nous avions beaucoup de choses en commun, nous sommes même partis en vacances ensemble", raconte Volodymyr.

Visage buriné, regard noir, barbe et chevelure épaisses, gabarit de rugbyman et physique à la Sébastien Chabal, Valera, 61 ans, est le plus vieux de la bande, dont la moyenne d'âge tourne autour de 50 ans et qui compte deux frères.

- "Comme des frères" -

"On se soutient les uns les autres, on se remplace lorsque c'est nécessaire et, si on se dispute, on apprend à le faire de manière productive. On n'a donc pas de querelles et on se sent comme des frères ici", dit-il entre deux tirs, buvant un café dans un gobelet en aluminium poli par le temps.

La plupart d'entre eux se sont connus au moment de la révolution de 2014 (celle de la place Maïdan à Kiev) et sont devenus amis.

"Il n'y a pas de jours difficiles, pas de jours faciles (...) J'essaie de soutenir les gars, de trouver les mots. J'apporte du soutien avec mes mots pour que les autres aient moins peur", poursuit Valera.

"C'est la vie, c'est la guerre, pas un camp d'entraînement. Tout peut arriver. Mais nous pensons que notre commandant a de la chance, il est comme notre ange gardien", ajoute le sexagénaire.

Les tirs s'enchaînent, souvent deux d'affilée, parfois quatre.

De la gueule du canon jaillit une boule de feu et de fumée, les obus sifflent vers leur cible à environ 6 km de distance. Sur le Kraz, derrière le binôme pointeur-tireur, un troisième homme, le chargeur, jette au sol les caisses de munitions vides.

Pendant une pause, des tirs d'armes légères claquent soudain. Des soldats essayent de viser un drone en forme d'aile delta haut dans le ciel bleu, tournant autour des positions d'artillerie.

"C'est un drone russe", dit Volodymyr, ordonnant à ses hommes de quitter la zone avec le camion et son canon.

X.Nguyen--HHA