Retraites: l'épreuve de force encore et toujours
Un regain de mobilisation, des images de violences inédites depuis le début de la contestation et une intersyndicale qui maintient son cap face à un exécutif inflexible: le conflit sur la contestée réforme des retraites se poursuit avec une 10e journée d'actions prévue mardi.
Entrée dans son troisième mois, la contestation dans la rue contre la réforme a rassemblé jeudi entre 1,089 million de manifestants (Intérieur) et 3,5 millions (CGT) pour sa 9e journée de mobilisation.
Le 49.3 décidé par le gouvernement et l'intervention mercredi du président de la République n'ont pas refroidi les ardeurs des opposants.
Aurélie Thieffry, 35 ans, animatrice périscolaire dans le Finistère, s'est dite jeudi dans le cortège brestois convaincue de pouvoir faire reculer l'exécutif: "ça va être compliqué mais avec un peu d’organisation, c’est possible d’y arriver".
"On sent qu'il y a un élan extrêmement fort de la population, une opinion publique qui est largement convaincue et donc voilà tant qu'il y a un calendrier qui nous permet d'agir, on est mobilisé", a commenté Marylise Léon, N.2 de la CFDT à l'issue de l'intersyndicale qui a donné à nouveau rendez-vous mardi aux manifestants et grévistes, avec des rassemblements syndicaux de proximité ce weekend.
Les syndicats rassurés par les chiffres de la mobilisation, ont été aussi ragaillardis par des cortèges où les jeunes sont manifestement venus plus nombreux.
Tout sauf une surprise tant son irruption avait été pronostiquée depuis le début de la mobilisation. La violence qui n'avait jusqu'ici été que sporadique, a également fait une entrée en scène spectaculaire dans le jeu entre le gouvernement et les syndicats.
Porte de la mairie de Bordeaux incendiée, "scènes de chaos" dénoncées par la maire de Rennes, canons à eau à Lille et Toulouse, manifestante avec un pouce arraché à Rouen, commissariat pris pour cible à Lorient (Morbihan) etc. Les violences sont montées d'un cran. Presque partout dans les métropoles. "Inacceptables", a jugé la Première ministre Elisabeth Borne.
- Pas de porte de sortie -
A Paris, des violences ont éclaté en tête de la manifestation avec leur lot de vitrines brisées et de mobilier urbain détruit, et des incidents se sont poursuivis en soirée dans le sillage de cortèges dits "sauvages". A rebours d'un défilé où la grande majorité des manifestants a marché pacifiquement.
Feux de poubelle, sirènes et gyrophares ont strié une nuit où des grappes de manifestants ont joué au chat et à la souris avec les forces de l'ordre.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait état de 172 interpellations en France, et de 149 blessés dans les rangs des forces de l'ordre, selon un bilan provisoire donné vers 22H00. La préfecture de police de Paris a fait état de 103 personnes interpellées dans la capitale.
M. Darmanin a dénoncé la violence de "casseurs souvent venus de l'extrême gauche".
La stratégie de l'exécutif, "c'est une stratégie minoritaire de faire pourrir un mouvement social et de faire peur aux gens en employant la violence, et j'ose parler de violences policières", selon Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT.
Les mobilisations anti-bassines dans les Deux-Sèvres ce weekend et la venue du roi Charles III la semaine prochaine en France en pleine crise sociale promettent en tout cas un sacré défi pour un exécutif décidé à jouer l'ordre.
Celui-ci reste inflexible sur sa réforme. Emmanuel Macron qui était jeudi à Bruxelles pour un sommet européen avait, la veille, défendu bec et ongles une réforme "nécessaire" pour les finances publiques, assumant son "impopularité".
A l'issue de ce nouvel épisode d'un conflit dont aucun camp ne semble chercher une sortie, les responsables politiques de gauche ont invité jeudi les Français à amplifier encore la contestation contre la réforme des retraites, Fabien Roussel appelant à "mettre le pays à l'arrêt", et Jean-Luc Mélenchon à "jeter toutes les forces dans la bataille".
Pour Marine Le Pen, finaliste malheureuse de la dernière présidentielle, "Emmanuel Macron ne peut plus gouverner seul, il doit désormais en revenir au peuple".
F.Carstens--HHA