La difficile réforme de l'asile franchit une étape au Parlement européen
Au coeur d'âpres négociations, la réforme européenne de l'asile a passé une étape clé mardi, avec un premier vote au Parlement sur plusieurs textes majeurs, notamment sur la solidarité entre Etats membres dans l'accueil des exilés.
La question migratoire est revenue en haut de l'agenda européen: les demandes d'asile sont reparties à la hausse dans l'UE et des migrants meurent régulièrement en tentant de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune.
La Commission européenne a présenté en septembre 2020 un "Pacte sur la migration et l'asile" afin d'assurer une meilleure répartition des demandeurs d'asile au sein du bloc, une nouvelle tentative de réforme après l'échec des quotas obligatoires décidés dans la foulée de la crise des réfugiés de 2015.
Quatre textes de cette réforme, amendés par les eurodéputés, ont été largement approuvés mardi par la commission des libertés civiles et des affaires intérieures du Parlement, ouvrant la voie à des négociations avec les Etats membres qui s'annoncent ardues.
"Les défis migratoires se posent pour tous les pays européens, et je suis vraiment heureuse de ce signe très positif donné à la population, nous souhaitons une réponse européenne harmonisée, des règles, et une solidarité renforcée entre les Etats membres", a réagi l'eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), rapporteure de l'un des textes.
Elle a estimé que la réforme contenait des "éléments d'équilibre" susceptibles de répondre aux préoccupations diverses des Etats membres, rappelant l'objectif commun d'aboutir à un accord final sur l'ensemble de la réforme avant mai 2024.
"Nous sommes face à un choix: soit l'UE va vers une impasse dans le domaine de la politique migratoire, soit nous nous efforçons de trouver des solutions constructives et communes", avait exhorté avant le vote l'eurodéputé suédois Tomas Tobé (PPE), rapporteur du texte central, réformant les critères du règlement de Dublin.
En vertu des règles actuelles, le pays généralement responsable du traitement d'une demande d'asile est celui par lequel un migrant est arrivé dans l'UE, ce qui fait peser sur des pays comme Malte, l'Italie, la Grèce ou l'Espagne une charge qu'ils jugent démesurée.
- "Combinaison équilibrée" -
La proposition de réforme veut renforcer le critère de la présence d'un membre de la famille d'un demandeur d'asile dans un Etat membre. Elle élargit la notion de lien familial et introduit un nouveau critère, selon lequel le pays européen de délivrance d'un diplôme est responsable du traitement de la demande d'asile de son titulaire.
Un mécanisme de solidarité obligatoire est prévu envers les Etats membres confrontés à une pression migratoire, notamment à des débarquements de migrants après une opération de sauvetage en mer.
La Commission prévoyait que les Etats membres pouvaient, à défaut d'accueillir des demandeurs d'asile arrivés dans un pays de première entrée (relocalisations), aider ces pays en prenant à leur charge le retour de migrants en situation irrégulière, mais ce mécanisme a été abandonné.
"Les relocalisations sont la principale contribution à l'allègement de la pression migratoire. Toutefois, les États membres peuvent également apporter leur contribution par des mesures" de soutien financier, matériel ou humain, a expliqué M. Tobé, évoquant "une combinaison bien équilibrée, qui offre à la fois solidarité et flexibilité".
Sont par ailleurs prévus des contrôles renforcés des migrants aux frontières, et des procédures d'asile accélérées pour les ressortissants de pays considérés comme sûrs et ayant statistiquement le moins de chances d'obtenir un statut de protection dans l'UE.
En 2022, plus de 880.000 premières demandes d'asile ont été déposées dans l'UE, principalement par des Syriens, Afghans, Vénézuéliens et Turcs, essentiellement en Allemagne, en France, en Espagne et en Autriche, selon les dernières données d'Eurostat, qui note une augmentation de 64% par rapport à 2021.
De nombreux pays européens, Autriche en tête, réclament que l'UE finance des clôtures pour empêcher l'arrivée de migrants, notamment à la frontière Bulgarie-Turquie. Réunis en sommet en février, les dirigeants ont pris une position ambiguë à ce sujet.
Si le chef du groupe PPE (droite), principale force politique au Parlement européen, l'Allemand Manfred Weber, soutient l'idée de financer ces murs, la commission du Budget s'est prononcée contre, dans un vote mardi matin.
O.Rodriguez--HHA