Colombie: neuf soldats tués par l'ELN, Petro consulte sur la suite des négociations
Le président colombien Gustavo Petro a annoncé lundi une prochaine consultation sur la poursuite ou la suspension des négociations avec l'ELN, après la mort de neuf soldats le matin même dans une attaque attribuée à cette guérilla.
"Nous avons été informés de la mort de neuf de nos soldats" à El Carmen, dans le département du Norte de Santander (nord-est), a annoncé l'armée dans un communiqué, attribuant cette attaque à l'Armée de libération nationale (ELN). Il s'agit de la dernière guérilla encore active en Colombie, avec laquelle le gouvernement a entamé des pourparlers de paix en novembre, après une interruption de quatre ans, pour tenter de mettre fin à près de six décennies de conflit armé.
Le président colombien Gustavo Petro a exprimé son "rejet total de l'attaque du peloton de l'armée à Catatumbo". "Sept soldats faisant leur service militaire et deux sous-officiers, soldats de la nation et du gouvernement, tués par ceux qui aujourd'hui sont absolument éloignés de la paix et du peuple", a écrit M. Petro sur Twitter.
Il a ajouté avoir "demandé une consultation avec la délégation gouvernementale à la table (des négociations avec) l'ELN". "Un processus de paix doit être sérieux et responsable avec la société colombienne", a-t-il souligné.
Le chef de l'État a fixé cette réunion à lundi prochain, en présence des représentants des pays garants et des pays accompagnateurs de ces négociations.
"Au cours de cette réunion seront évaluées les décisions à prendre", a précisé le service de presse de la présidence. Cet appel "aux consultations n'implique pas un gel des pourparlers, ni une décision du gouvernement de quitter la table des négociations", selon la même source.
Un premier cycle de négociations avait pris fin en décembre à Caracas avec l'annonce de la libération d'otages et des actions humanitaires. Au terme d'un deuxième cycle au Mexique, le 10 mars, les deux parties se sont engagées à entamer des pourparlers en vue d'un cessez-le-feu. Un troisième cycle, cette fois-ci à Cuba, a été annoncé, sans que sa date soit connue.
Le conseiller présidentiel pour la paix, Danilo Rueda, chef d'orchestre des négociations de paix lancées avec les groupes armés, n'a pas exclu la possibilité de suspendre les négociations, parlant d'une "décision interne, prise par tous, de décisions saines qui seront prises dans l'intérêt du pays".
Interrogé par la presse, M. Rueda a jugé que l'ELN tente ainsi "d'échapper à la construction de la paix en Colombie".
- "Criminel et stupide" -
L'attaque a eu lieu à l'aube, dans la municipalité d'El Carmen, au cours d'une opération classique de sécurisation et non d'une action offensive, a détaillé l'armée, soulignant que les assaillants étaient des membres du "Front Camilo Torres".
L'unité gardait l'oléoduc Cano Limon-Coveas, le plus important du pays, et cible récurrente de l'ELN, quand elle a été visée par des engins piégés et des tirs d'armes automatiques.
Le patron de l'armée, le général Luis Ospina, s'est rendu sur place. Le ministre de la Défense Ivan Velasquez a "condamné cette attaque contre la volonté de paix exprimée par le gouvernement", parlant d'un "évènement réellement très grave".
Le commandant des forces armées, le général Helder Giraldo, a assuré que ses hommes poursuivraient "les opérations militaires dans la région contre les responsables" de l'attaque.
Le chef de la délégation gouvernementale aux négociations, Otty Patino, a estimé que "cet acte criminel et stupide" jetait un "doute sur l'unité du commandement de la guérilla".
Au cours des négociations, le gouvernement colombien a accordé à l'ELN le statut d'"organisation politique armée rebelle", un geste salué par cette guérilla comme indispensable à la poursuite du processus de paix.
Depuis le début de l'année, des violences et des tensions ont cependant refroidi les relations entre les deux parties. Neuf membres présumés de l'ELN ont été tués fin janvier dans une offensive de l'armée colombienne.
La Colombie souhaite, avec l'ELN, parvenir à la paix comme lors des négociations qui avaient abouti en 2016 à la démobilisation des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui ont été pendant des années la principale guérilla en Colombie.
A.Roberts--HHA