Monténégro: le vétéran Djukanovic perd la présidentielle après trois décennies au pouvoir
La scène politique du Monténégro a été bouleversée dimanche soir par la défaite à la présidentielle du vétéran Milo Djukanovic après trois décennies de règne dans le pays des Balkans, face au nouveau venu Jakov Milatovic.
"Avec tous les citoyens du Monténégro, nous avons dit ce soir un +non+ crucial à la criminalité et à la corruption", s'est félicité Jakov Milatovic, un économiste pro-européen de 36 ans. "C'est la soirée que nous avions attendue pendant plus de trente ans. Que cette victoire nous porte bonheur à tous !", a-t-il poursuivi devant ses partisans en liesse.
"Nous allons arrimer le Monténégro à l'Union européenne au cours des cinq prochaines années", a-t-il promis.
M. Milatovic a obtenu 60% des voix contre 40% à son rival, selon les projections de l'ONG CeMI portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote.Les résultats officiels sont attendus plus tard dans la semaine.
Au premier tour, deux semaines plus tôt, Milo Djukanovic avait recueilli 35,4% des voix contre 28,9% pour Jakov Milatovic.
Le président sortant Milo Djukanovic, 61 ans, a reconnu sa défaite. "Le Monténégro a choisi. Je respecte ce choix. Je félicite Jakov Milatovic", a-t-il dit. "Je veux que Milatovic soit un président performant car cela signifiera que le Monténégro pourra être un pays performant", a-t-il ajouté.
Dans les rues de Podgorica et d'autres villes du pays, les partisans du candidat du mouvement "Europe maintenant" ont célébré sa victoire à coups de klaxon et avec des feux d'artifice.
Au Monténégro, le président a essentiellement un rôle de représentation et le Premier ministre détient les principaux leviers du pouvoir.
Milo Djukanovic était depuis plus de 30 ans un incontournable de la scène politique du Monténégro, exerçant à de multiples reprises les fonctions de Premier ministre ou de président.
- Promesse d'adhésion à l'UE -
C'est son plus important revers depuis la défaite historique de son parti, le Parti démocratique des socialistes (DPS), aux dernières législatives de 2020. Depuis lors, le pays allait de crise en crise, avec la chute de deux gouvernements.
Milo Djukanovic était arrivé aux commandes en 1991, à l'âge de 29 ans, soutenu par l'homme fort de Belgrade Slobodan Milosevic aux débuts des sanglantes guerres qui allaient faire éclater l'ancienne Yougoslavie.
A mesure que la Serbie devenait un paria sur la scène internationale, il avait su prendre ses distances. Il s'est rapproché de l'Occident, rompu avec Belgrade et obtenu l'indépendance du Monténégro lors d'un référendum en 2006. Son pays a rejoint l'Otan, est devenu candidat à l'Union européenne et est sorti de la sphère d'influence russe.
Il a aussi cherché à limiter l'influence de la Serbie et à consolider une identité nationale séparée du Monténégro. Une tâche peu aisée dans un pays où un tiers des habitants s'identifient comme serbes.
Mais ses détracteurs l'accusent de clientélisme, de corruption généralisée et de liens avec le crime organisé, ce que l'intéressé dément avec force.
M. Milatovic a fait campagne sur la promesse d'une adhésion à l'Union européenne. Il s'est également dit favorable à de "bonnes relations avec la Serbie comme avec toutes les nations des Balkans occidentaux".
Cet ancien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), est entré en politique en devenant ministre du Développement économique dans le premier gouvernement formé après les législatives de 2020.
Qualifié de populiste par certains, ce père de trois enfants s'est fait particulièrement apprécier en imposant un programme économique controversé qui a quasiment doublé le salaire minimum à 450 euros.
Comme le reste des Balkans, le Monténégro, pays de 620.000 habitants, subit des difficultés économiques qui se traduisent notamment par un exode de sa jeunesse.
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J.Burmester--HHA