Le chef républicain McCarthy rencontre la présidente taïwanaise, malgré les menaces de la Chine
Le républicain Kevin McCarthy, président de la Chambre américaine des représentants, doit rencontrer mercredi la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen en Californie, en dépit des menaces de rétorsion répétées de la Chine.
Mme Tsai est arrivée mardi soir à Los Angeles après sa tournée diplomatique en Amérique centrale, pour une rencontre qui irrite grandement Pékin. Les autorités chinoises ont promis de "riposter" et ont multiplié les déclarations courroucées ces dernières semaines.
La Chine considère que Taïwan est une de ses provinces à reprendre, en privilégiant une "réunification pacifique", mais sans exclure d'employer la force. Au nom de son principe d'"Une seule Chine", aucun pays n'est censé entretenir de liens officiels avec Pékin et Taipei en même temps.
Lors d'un ultime avertissement lundi, le ministre des Affaires étrangères a rappelé que "la Chine est fermement opposée" à l'entrevue entre le troisième personnage de l'Etat américain et la dirigeante taïwanaise, issue d'un parti indépendantiste.
Pékin a aussi expliqué être prêt à "défendre fermement sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale", sans évoquer expressément d'éventuelles manœuvres militaires.
Les Etats-Unis entretiennent de longue date une "ambiguïté stratégique" sur la question taïwanaise. Cette doctrine vise autant à dissuader la Chine d'envahir Taïwan qu'à empêcher les dirigeants de l'île de provoquer Pékin en déclarant officiellement son indépendance.
- Le précédent Pelosi -
Washington reconnaît Pékin depuis 1979, mais reste l'allié le plus puissant de Taïwan ainsi que son principal fournisseur d'armes. Le soutien à l'île est l'un des rares consensus au sein des deux partis au Congrès américain et sous le mandat de Tsai Ing-wen, Taïwan s'est rapproché des Etats-Unis.
En août dernier, la présidente taïwanaise a reçu à Taïwan la démocrate Nancy Pelosi, prédécesseur de M. McCarthy à la tête de la Chambre des représentants.
Cette visite avait provoqué l'ire de Pékin, qui avait réalisé des exercices militaires autour de l'île d'une envergure inédite depuis le milieu des années 1990.
Kevin McCarthy "s'obstine à encore vouloir jouer la carte de Taïwan" afin de contenir Pékin, a estimé lundi le consulat de Chine à Los Angeles dans un communiqué. "Il va sans doute commettre à nouveau la même erreur, qui fera encore plus de tort à la relation sino-américaine."
Comme Mme Pelosi, le dirigeant républicain souhaitait initialement se rendre à Taïwan. Il a finalement opté pour une approche moins frontale, en rencontrant Tsai Ing-wen avec plusieurs élus du Congrès en banlieue de Los Angeles, à la bibliothèque présidentielle Ronald Reagan.
L'administration Biden a également minoré l'importance de cette rencontre, en rappelant la semaine dernière qu'il s'agit d'un simple "transit" de la dirigeante taïwanaise et pas d'une visite officielle. Washington a appelé Pékin à ne pas se servir de l'entretien comme "prétexte" pour "sur-réagir de manière agressive".
- "La Chine doit répondre" -
"La réponse de la Chine va dépendre en partie (...) de ce que va dire McCarthy publiquement après la rencontre", juge auprès de l'AFP Bonnie Glaser, directrice du programme Asie du groupe de réflexion américain German Marshall Fund.
Mais pour cette spécialiste, la rhétorique employée par Pékin au moment de la rencontre avec Mme Pelosi, oblige le gouvernement chinois à montrer ses muscles de nouveau.
"La Chine a déjà fait des déclarations assez menaçantes, ce qui suggère qu'elle doit répondre d'une manière ou d'une autre", résume-t-elle. Sans réaction forte, le président chinois "Xi Jinping risque de paraître faible."
De son côté, Tsai Ing-wen, dont le mandat présidentiel se termine l'an prochain, cherche à montrer que Pékin n'a pas réussi à isoler diplomatiquement Taïwan depuis son arrivée au pouvoir en 2016.
La Chine a convaincu plusieurs pays de ne plus reconnaître Taïwan ces dernières années. Dernier en date, le Honduras a annoncé sa décision fin mars.
Seuls 13 Etats reconnaissent encore Taiwan, dont le Belize et le Guatemala, que Mme Tsai a visités lors de sa tournée, après une première étape à New York. Avant de passer la main, la dirigeante souhaite cimenter la confiance des Taïwanais dans sa formation, le parti démocrate progressiste.
"Elle veut montrer à ses concitoyens (...) qu'elle a créé une relation de confiance solide, forte et sans précédent avec les Etats-Unis, ce qui est très important pour la sécurité de Taiwan", conclut Mme Glaser.
H.Beehncken--HHA